Le Pôle agro-alimentaire de l’Isère au service des filières locales

Entretien avec Geoffrey Lafosse, Directeur

Bonjour Geoffrey, je crois que l’Isère est un département qui a une affinité particulière avec les circuits de proximité, pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

L’Isère est un département avec une géographie spécifique, partagée entre plaine et montagne. Les conditions de production agricole n’étaient donc pas optimum pour permettre aux agriculteurs isérois d’être compétitifs sur les prix. De plus, nous n’avons que peu d’AOP et d’IGP dans le département, et donc une difficulté accrue à valoriser notre production. Très tôt donc, la vente directe s’est développée ; l’Isère est le département qui compte le plus grand nombre de points de vente collectifs. 

Puis, dès 2010, certains agriculteurs se sont regroupés pour approvisionner la restauration collective départementale, et s’organiser en filières longues de proximité. C’est-à-dire une rencontre entre les circuits courts et les filières longues. Il y a toujours besoin d’intermédiaires de transformation, de commerce, etc. pour massifier les filières de proximité.

A quel moment le besoin du Pôle Agro-alimentaire s’est-il fait sentir ?

La restauration collective commençait à être bien desservie par les producteurs du territoire, mais nous nous sommes rendus compte que pour aborder les autres marchés, il était nécessaire de s’organiser, de se regrouper. En 2018, une association est donc créée, avec une gouvernance regroupant les chambres consulaires, les collectivités, les entreprises et les producteurs. Cette association exploite IsHere, une marque départementale créée pour rendre facilement identifiable, les produits locaux pour les clients en magasin.

Marque départementale IsHere (source : site internet IsHere)

Quels sont les services rendus par l’association et quel est son modèle économique  ?

Nous opérons 3 activités de commercialisation des produits locaux pour le compte de nos adhérents, grâce à 2 commerciaux salariés :

  1. Vente en hypermarchés et supermarchés
  2. Vente en commerces de proximité (supérettes, commerces spécialisés)
  3. Vente en direct pour les particuliers via des boutiques éphémères

Nous avons démarré en ayant le statut d’agent commercial. C’est-à-dire que notre rôle était uniquement de mettre en relation une offre locale avec des clients professionnels et particuliers, et de facturer une commission aux adhérents pour ce service. Les flux financiers, et les flux de produits ne passaient pas par nous.

Puis nous sommes devenus commissionnaire pour les adhérents de l’association. Ce rôle de commissionnaire a été de pair avec le développement d’une activité logistique sur le MIN de Grenoble, en partenariat avec Fret Froid Service, un logisticien. Les producteurs pré-allotissent les commandes, et livrent le MIN en flux tendu, puis le logisticien réconcilie les commandes entre les différents producteurs pour le compte de leurs clients. La spécificité est que certains producteurs étant à l’extérieur de Grenoble et proches de leurs clients, nous leur laissons la possibilité de livrer en direct sans passer par la plateforme du MIN.

Nous sommes financés à la fois par les cotisations de nos adhérents, et par les commissions prélevées sur le prix de vente final. Cette commission varie selon qu’elle n’inclut que la commercialisation ou la commercialisation et la logistique  Nous réalisons 1 million d’euros de chiffre d’affaires en 2022.

Quel est la suite du développement pour le pôle ?

Nous sommes présents sur toutes les catégories de produits en frais et en sec. Nous avons cependant un sujet délicat sur la viande bovine, catégorie pour laquelle nous n’avons que de la carcasse à date, ce qui n’est pas adapté à la demande des clients. Nous constatons en parallèle le déficit de personnel dans le rayon boucherie des hypers et supers. Nous sommes donc en train de travailler à une offre de viande en libre-service, conditionnée en barquettes sous atmosphère. La difficulté principale de la filière viande est que sur une filière de proximité, les coûts d’abattage et de découpe sont élevés par rapport à un outil industriel. Ce qui se répercute dans le prix rendu au client final. Nous travaillons donc avec les collectivités et les chambres consulaires pour soutenir et financer des outils locaux qui soutiennent le développement de ces filières.

L’avis de FoodBiome

Le pôle agro-alimentaire adresse deux tensions clés qui freinent le développement des filières alimentaires de proximité. Premièrement, réussir à différencier les produits locaux du reste grâce à une marque locale. Deuxièmement, réussir à massifier la logistique et en particulier l’alotissement des commandes en provenance de multiples producteurs grâce à l’espace dédié sur le MIN de Grenoble. Ces deux freins sont levés par le pôle, et soutenus par une gouvernance multi-partenariale. La multiplication de ce type d’initiatives est un maillon indispensable au changement d’échelle des circuits de proximité. C’est le cas d’une de nos startups, Agriflux, développe un projet sur le MIN de Toulouse en partenariat avec le Réseau Manger Bio et Produit sur son 31. Nous souhaitons donc que ces projets se dupliquent ailleurs en France !

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