Des Enfants et des Arbres plantent des arbres chez les agriculteurs

Entretien avec Marie-France Barrier, fondatrice de l’association.

Bonjour Marie-France, peux-tu nous expliquer la genèse de Des Enfants et des Arbres ?

Avec plaisir. A l’époque, j’étais réalisatrice de documentaires. J’avais déjà tourné quelques documentaires engagés, mais c’est en écrivant Le Temps des Arbres que j’ai pris une vraie claque. “25 000 km de haies doivent être plantés chaque année d’ici 2050 pour atteindre les accords de Paris, aujourd’hui seulement 3 000 km sont replantés lorsque 11 000 km continuent d’être arrachés annuellement”. Ce constat m’a donné envie de passer de l’autre côté de la caméra et d’agir plus concrètement.

J’ai ressenti le besoin profond de développer une solution concrète, solidaire et fédératrice aux enjeux d’un monde agricole en transition. C’est comme ça qu’est né Des Enfants et des Arbres en 2020.

Que fait exactement l’association ?

Concrètement, nous invitons les jeunes à planter des haies bocagères et des arbres champêtres avec et chez les agriculteurs de leur territoire pour faire revenir les bienfaits de l’arbre en plein champ.

Notre rôle est de mettre en lien les agriculteurs désirant planter des arbres sur ou en bord de parcelles avec des structures techniques locales et les écoles voisines. L’idée est de créer des synergies entre ces trois entités, qui la plupart du temps se côtoient géographiquement mais pas humainement.

J’aime à dire que nous sommes une courroie de transmission ! Des Enfants et des Arbres est là uniquement pour insuffler cette reconnexion entre urbains et ruraux, entre humains et non-humains, entre enfants et adultes. Une fois le lien établi, nous supervisons le projet tout au long de l’année mais de manière assez effacée, afin de laisser les acteurs développer cette connexion de manière autonome et choisie.

Source : Jean-Luc Perreard

Comment se déroule une journée de plantation ?

Avant même de planter, il faut déjà préparer le sol. C’est le rôle de l’agriculteur de faire le nécessaire pour rendre la terre prête à recevoir les jeunes arbres. Nous recommandons un décompactage en profondeur (surtout pas de labour) pour permettre l’enracinement des arbres. En parallèle, nous demandons à l’agriculteur de venir rencontrer les enfants en classe pour établir un premier contact et leur expliquer pourquoi il a besoin d’eux. C’est important qu’ils prennent conscience de l’aide qu’ils vont apporter, cela les responsabilise.

Le jour de la plantation, les enfants (généralement une classe pouvant aller du CM1 à la sixième) arrivent le matin pour réviser les bons gestes de plantation puis commencent à planter pendant deux heures environ. Après une bonne pause déjeuner pour récompenser les enfants (pique-nique zéro déchet de préférence !), une deuxième classe vient prendre le relais pour continuer le travail déjà accompli. C’est toujours amusant d’écouter ce que se disent les élèves d’une classe à l’autre : certains partagent leur ressenti en détail quand d’autres au contraire restent évasifs pour laisser une part de mystère… La même dynamique se remet en place l’après-midi et une fois tous les arbres plantés, c’est l’heure d’un goûter convivial que l’agriculteur a généralement préparé pour les remercier de leur aide.

Honnêtement, il faut le vivre une fois pour se rendre compte de la joie, du partage et des synergies qui se créent ce jour-là… C’est vraiment merveilleux de voir tous ces sourires !

Et puis, évidemment, il y a toute la partie “post-plantation” qui donne tout son sens à notre action. La plupart du temps, une relation de confiance voire d’amitié entre les enseignants, l’agriculteur et les enfants se tisse pendant le projet. Tout le monde est impatient de réitérer l’aventure en revenant voir l’évolution des arbres, visiter la ferme de temps en temps… Ce sont les agriculteurs qui bénéficient le plus de ce partenariat pérenne : beaucoup d’enfants reviennent le week-end avec leurs parents pour montrer fièrement leur contribution et revoir l’agriculteur, presque comme un vieil ami. Certaines familles décident même de venir s’approvisionner dorénavant directement auprès de l’agriculteur, et là, c’est pour nous l’accomplissement ultime de notre mission.

Quels sont les bénéfices de l’arbre en plein champ ?

L’arbre est par essence (sans mauvais jeu de mots) le modèle absolu de l’économie circulaire, il est bien plus qu’un simple outil agronomique. C’est un véritable trait d’union entre générations et acteurs du territoire puisqu’il est à peu près présent dans tous les milieux, aussi bien ruraux qu’urbains.

L’arbre, qu’il soit en plein champ ou en bordure de parcelle sous forme de haie, a pour bénéfice de couper le vent, de servir d’abri pour la faune et la flore, de prévenir l’érosion des sols, de capter le carbone, de retenir l’eau…entre autres !

C’est un parfait exemple de résilience et il pourrait bien être notre meilleur partenaire pour faire naître une nouvelle agriculture et ainsi faire pousser l’espoir d’un avenir désirable.

L’eau, l’air, le sol et les paysages sont des biens communs dont la qualité et la pérennité sont l’affaire de tous. Le monde agricole ne peut, ni ne doit, en être le seul garant.

Source : Jean-Luc Perreard

Comment votre association soutient les agriculteurs ?

A l’heure où l’agribashing creuse l’isolement d’un monde agricole déjà précaire, nous souhaitons, à notre échelle, participer à la réconciliation de la société civile avec ceux et celles qui la nourrissent. Les enfants sont les meilleurs ambassadeurs de notre cause car ce sont les citoyens de demain.

 

D’un point de vue financier, nous mettons à disposition de chaque agriculteur dont le dossier a été sélectionné une enveloppe de 2 000 euros qui permet l’achat d’environ 200 plants d’arbres, les fournitures nécessaires (paillage, tuteurs) ainsi qu’un diagnostic et suivi technique sur trois ans (réalisé par la structure technique locale partenaire). C’est un vrai levier d’action pour permettre à certains de se lancer dans une transition agroécologique sans dégrader leur situation financière, souvent déjà fragile.

Nous les accompagnons également sur l’organisation et la préparation des plantations avec des partages d’expérience entre pairs, des webinaires et avis d’experts, un support téléphonique et bien d’autres outils mis à leur disposition.

Finalement, nous sommes avant tout à leur écoute pour les aider et les décharger au maximum afin que cette aventure ne soit que source de joie et de partage.

Source : Jean-Luc Perreard

L’avis de FoodBiome

Des Enfants et des Arbres, malgré son effectif assez réduit (4 employés à temps plein à l’heure actuelle), a permis en l’espace de trois ans de soutenir 180 agriculteurs dans leur démarche, de sensibiliser plus de 10 000 enfants au génie de l’arbre et aux enjeux de la transition agricole, et de planter plus de 50 000 arbres dans 50 départements français.

Si nous avons souhaité mettre en lumière cette association, c’est parce que FoodBiome partage profondément ses valeurs : reconnecter le monde agricole à la société civile, éveiller la jeune génération aux enjeux de l’agroécologie, ou encore nouer des relations solidaires entre consommateurs et producteurs.

Alors, si vous souhaitez les soutenir ou simplement regarder plus en détail leur action, ça se passe ici sur leur site !

On vous laisse sur la réflexion et conviction de Marie-France : “Et si savoir planter un arbre était une connaissance aussi fondamentale que la maîtrise du théorème de Pythagore ou du plus-que-parfait ?”

À méditer…

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