Fermes En ViE : la foncière solidaire au service de l’agroécologie

Entretien avec Simon Bestel, cofondateur de Fermes En ViE (FEVE).  

Bonjour Simon, nous avons entendu parler du projet FEVE mais pourrais-tu nous présenter l’entreprise dans les détails ? 

Bonjour Jeanne, avec plaisir. 

FEVE est une jeune entreprise à mission, créée il y a 2 ans et demi dans l’optique d’accélérer la transition agroécologique et de faire face à l’enjeu du renouvellement des générations dans le monde agricole. 

L’équipe de FEVE (source : site internet FEVE)

Nous acquérons, grâce à l’épargne citoyenne, des fermes, que nous louons à des porteurs de projet agroécologique dans l’optique de faciliter leur installation. 

Notre objectif est ainsi de lever le premier frein à l’établissement, qui touche particulièrement les personnes non issues du milieu agricole : l’accès au foncier. 

Nous différons cependant d’une foncière classique puisque nous proposons aux exploitants, après 7 ans d’activité, de racheter les fermes sur lesquelles ils se sont installés. 

L’implication de FEVE dans le projet peut ainsi être temporaire, et nous œuvrons alors comme un tremplin vers l’acquisition sereine d’une activité connue et établie.

Notre métier se résume ainsi : nous trouvons des fermes, nous levons des fonds pour les acheter, et leur associons des porteurs de projets. 

De l’autre côté, nous offrons aux citoyens l’opportunité de s’engager dans la transition écologique en investissant une partie de leur épargne dans notre activité, et l’utilité sociale et environnementale du placement est attestée par le label Finansol. C’est ainsi une façon de financer la transformation et la résilience de l’agriculture française, tout en bénéficiant d’avantages fiscaux.

Quel est le profil type des porteurs de projets que vous accompagnez ? 

Nous accompagnons différents types de profils. 

Si certaines personnes sont issues du milieu agricole, d’autres ont vécu de grandes reconversions ; qu’ils aient quitté des postes en coopératives agricoles, en chambres d’agricultures, ou qu’ils viennent de milieux urbains très éloignés. 

Face à cette diversité de profils rencontrés, quels sont les critères de sélection que vous utilisez ? 

Nous étudions d’abord avec beaucoup de précision le fond du projet, et vérifions qu’il est aligné à notre ambition de transformer le modèle agricole en développant les pratiques  agroécologiques. 

Afin de formaliser notre ambition et de réunir des fermes qui œuvrent à un objectif commun, nous avons rédigé une charte, que chaque agriculteur que nous accompagnons s’engage à respecter. 

Cette charte représente aussi pour nous un engagement fort vis-à-vis des citoyens qui nous font confiance, en leur offrant la garantie qu’ils contribuent à l’avènement de projets avec lesquels ils sont alignés.

Celle-ci donne donc un ensemble de directions, tant sur les plans agronomiques, sociaux et sociétaux.

Sur le plan agronomique, nous sommes assez intransigeants sur le bio ; c’est un prérequis, et nous donnons 5 ans aux exploitants conventionnels pour réaliser leur transition. 

Nous demandons également un engagement à propos de la préservation et de la diversification des sols, de la gestion de l’eau et des déchets, de la limitation des intrants de synthèse, de la protection du bien-être animal et de la biodiversité. 

La dimension sociale traite plutôt des questions de gouvernance, d’indépendance et de transmissibilité des exploitations, tandis que la dimension sociale s’adresse au rôle que prendra l’exploitation sur son territoire. Nous pensons notamment à son impact environnemental, son rôle dans le développement d’une alimentation de qualité pour tous et son intégration au territoire. 

Cette charte a pour principale vocation de donner de grandes orientations, même si nous réfléchissons également à un système d’évaluation qui permettrait de préciser et de suivre le respect de certains de ces éléments.

Source : site internet de FEVE

Au-delà de la concordance du projet avec notre charte, nous cherchons bien sûr à garantir la robustesse des projets entrepris grâce à FEVE. 

Si les fermes que nous achetons doivent posséder un certain nombre de caractéristiques, que ce soit en termes de surface, d’accès à l’eau, de bâti ou de prix, nous veillons à ce qu’elles soient exploitées par les porteurs de projet idéaux. 

Pour cela, nous étudions leur parcours et leur expérience, mais nous cherchons surtout à comprendre leur motivation, leur faculté de gestion et leur capacité à créer un écosystème solide, en relation avec le territoire.

Enfin, la robustesse financière et la solidité du business plan sont prises en compte ; nous demandons notamment que les porteurs de projet soient accompagnés par la chambre d’agriculture et par une banque, pour le financement du matériel et du cheptel.

Nous n’avons pas fixé les activités que nous souhaitons accompagner, mais avons seulement écarté la viticulture, qui demande une technicité extrêmement importante et dont la conversion au bio est souvent plus difficile. De l’identification d’un site à l’installation se passe généralement un an. 

Souhaitez-vous être implantés sur tout le territoire français ? 

Si l’on regarde le panel de fermes françaises, nous remarquons vite à quel point il est vaste et diffère en fonction des régions. 

Celles-ci sont nombreuses dans les grandes régions d’élevage, dans le Grand Ouest, le Jura ou la Savoie. A l’inverse, on trouve plutôt dans le Nord, la Beauce, le bassin parisien, les zones de grande culture, d’immenses exploitations qu’il nous est impossible de reprendre. 

Celles-ci sont d’abord souvent convoitées par des fermes voisines pour agrandissement, et il est compliqué pour nous de reconstruire plusieurs entités à partir d’une exploitation originelle conséquente. 

Nous cherchons ainsi plutôt à préserver les petites structures diverses existantes (pouvant aller jusqu’à 300 hectares).

Proposez-vous un accompagnement dans le temps aux porteurs de projet sélectionnés ?

Nous ne dispensons pas d’accompagnement direct et technique à proprement parler, mais organisons un suivi durant les trois premières années d’existence des projets. 

Nous nous rendons ainsi sur place quatre demi-journées par an, et nous confions les évaluations RSE agricoles et la formalisation du suivi à l’entreprise Ecofarms.

Où en êtes-vous dans le déploiement de vos fermes ? 

7 fermes sont déjà installées et en activité, et nous visons le lancement d’une quinzaine supplémentaires cette année. Pour l’instant, celles-ci sont réparties dans le grand arc ouest : entre le Sud-Ouest, la Nouvelle Aquitaine, la Normandie et l’Occitanie. 

Leurs activités sont variées ; de la polyculture élevage à la grande culture, en passant par le maraîchage ; et la moitié est en conversion vers le bio.

Les fermes financées et en cours de financement (source : site internet de FEVE)

Comment percevez-vous votre évolution dans les années à venir ? 

Jusqu’à récemment, nous cherchions principalement des sites avant d’identifier nos porteurs de projet ; aujourd’hui, nous rencontrons de plus en plus d’exploitants qui se présentent en ayant déjà identifié les fermes sur lesquelles ils souhaiteraient s’installer.

Ce que nous remarquons, c’est que le mariage entre foncier et exploitants se fait relativement facilement ; le plus limitant à court terme, c’est plutôt le financement. Nous ne sommes pas inquiets à ce sujet car beaucoup d’argent s’apprête à être investi dans la transition agricole, nous commençons collectivement à comprendre son importance, mais il faut pour cela nous faire connaître d’autres structures, et que nous poursuivions notre développement.

L’avis de FoodBiome

Le projet porté par Fermes En ViE contribue à faire prospérer une agriculture du Vivant, respectueuse de la nature, de la biodiversité et des territoires. 

FEVE mène également un combat social en aidant ceux qui le veulent à s’investir dans des métiers nourriciers et créateurs de lien, en accélérant les transitions agroécologiques et écologiques, et en protégeant notre souveraineté alimentaire.

Un projet parfaitement en ligne avec la vision de l’agriculture que nous défendons. 

Pour en savoir plus sur Fermes En ViE, n’hésitez pas à vous rendre sur leur site internet.

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