Interview de Laurent Perlès, co-fondateur de La Source aux côtés d’Alexandre Panza
En 2025, La Source franchit une nouvelle étape avec l’ouverture de son campus parisien à Lumière, au cœur du quartier de Bercy. Quatre ans après sa création et avec ses trois premiers campus à Pantin, Bordeaux et Toulouse, l’école s’impose comme un acteur pionnier de la formation éco-responsable dans la restauration. Plus de 500 apprenant·es y ont déjà été formé·es, en formation initiale ou en reconversion, autour d’un modèle inclusif et engagé.
Pensé comme un véritable laboratoire pédagogique, le campus Lumière conjugue formation immersive, recherche appliquée et restaurant d’application, pour ancrer la transition alimentaire dans le concret. Il marque aussi une nouvelle étape du développement de La Source, qui renforce ses programmes existants et lance le premier CAP Pâtissier durable reconnu par l’État.
Avec un secteur de la restauration en pleine mutation — plus de 100 000 postes à pourvoir et une croissance de +70 % du chiffre d’affaires entre 2022 et 2023 — La Source incarne ainsi une réponse concrète aux enjeux de recrutement, de sens et de durabilité. Entre ancrage territorial fort, innovation pédagogique, montée en compétence et impact social mesurable, l’école s’impose désormais comme un modèle d’éducation appliquée au service de la transformation du secteur.
À l’occasion de son inauguration du campus Lumière, nous avons échangé avec Laurent Perlès, co-fondateur de La Source pour comprendre les ambitions de cette nouvelle étape et sa vision du futur de la restauration durable.
Bonjour Laurent, La Source inaugure aujourd’hui son nouveau campus à Bercy. Quelles sont les ambitions principales de ce site parisien, et en quoi se distingue-t-il des précédents campus de Pantin, Bordeaux et Toulouse ?
Le campus Lumière de Bercy est un tournant majeur pour La Source. C’est notre plus grand site à ce jour : nous pourrons y accueillir environ 200 élèves par an. Il comprend également un restaurant d’application de 125 couverts, une dimension essentielle pour nos formations.
Ce nouvel ancrage parisien a été pensé comme un véritable écosystème d’apprentissage, capable d’évoluer. Nous étudions déjà son extension pour ouvrir des pôles dédiés à la pâtisserie, la boulangerie, le service et la mixologie. L’idée est d’en faire un lieu-pilote où tester et déployer nos futurs programmes.
La Source a toujours revendiqué une pédagogie immersive et participative. Quelles innovations pédagogiques ou approches concrètes seront déployées à Lumière pour continuer à faire évoluer la formation dans la restauration et vous distinguer sur le marché ?
Nous restons fidèles à notre approche : ici, on apprend en faisant. Le site Lumière va aller encore plus loin dans cette logique d’immersion grâce à une pédagogie d’application renforcée. Le restaurant devient l’expression directe de cette démarche : les élèves y expérimentent chaque facette du métier et contribuent à façonner un véritable “marché d’application”, un lieu d’échanges et un écosystème concret entre apprenants et public.
Sur le plan pédagogique, nous parlons plutôt d’andragogie soit une approche tournée vers l’adulte en formation. Elle repose sur le dialogue, l’expérimentation, et l’apprentissage par l’erreur, bien plus fidèle au terrain qu’un enseignement descendant. Notre modèle est profondément “learner-centric” : la curiosité, les gestes, la créativité de chaque apprenant sont au cœur du dispositif.
Aujourd’hui, la restauration fait face à de multiples défis : pénurie de main-d’œuvre, transformation écologique, recherche de sens. Selon vous, qu’est-ce qui doit changer en profondeur dans le secteur, et comment La Source contribue-t-elle à cette évolution ?
Nous pensons qu’un restaurant durable commence par des humains durables. La restauration, depuis soixante ans, s’est peu réinventée dans son organisation. Nous voulons remettre au centre la sérénité, la stabilité, l’épanouissement et le bien-être des équipes.
Cela passe par la fin de la coupure dans les journées de travail, qui est une pratique bien trop pratiquée en restauration, et par une meilleure écoute du rythme humain. Former les restaurateurs à l’intelligence collective, à la solidarité d’équipe et au management bienveillant, c’est aussi leur donner les clefs pour durer. La durabilité n’est pas qu’une affaire d’assiette, elle est d’abord humaine.
Votre modèle repose sur un écosystème de partenaires : restaurateurs, institutions, associations. Comment ces partenariats locaux et nationaux participent-ils à la réussite de votre pédagogie et à l’insertion professionnelle de vos apprenant·es ?
Un rôle essentiel. Plus de 80 % de nos élèves sont en alternance. Ils passent la moitié de leur temps dans des entreprises partenaires qui partagent nos valeurs. C’est fondamental : il ne s’agit pas que d’apprendre, mais de le faire dans des environnements cohérents, où l’on ne déconstruit pas ce que l’école enseigne. On a véritablement cherché à avoir une communauté sincère de partenaires très actifs et qui ne cesse de grandir.
Nos partenaires sont très impliqués dans la vie de La Source : restaurateurs, institutions, associations, tous participent à faire grandir la communauté. Ces liens se sont construits naturellement, par le réseau, les rencontres et une envie collective de “réparer et développer ensemble” un secteur sous tension mais porté par une époque favorable à la main d’oeuvre et une politique favorable à l’alternance.
Depuis 2021, plus de 500 élèves ont été formés. Comment mesurez-vous l’impact réel de La Source : insertion professionnelle, reconversions réussies, ouvertures de restaurants, engagement citoyen ?
Depuis septembre 2021, plus de 500 apprenant·es ont été formé·es sur nos trois campus de Pantin, Bordeaux et Toulouse. Nous suivons de près le parcours de chacun·e pour comprendre l’impact réel de nos formations : 87,5 % de réussite à l’examen du Foodcamp TFP “Commis de cuisine” qu’il soit suivi en alternance ou en continu, 90 % de réussite pour les formations POEI, élaborées avec France Travail pour accompagner des profils en réinsertion, et 85 % d’insertion professionnelle à la sortie. Ces chiffres proviennent d’un suivi attentif de nos alumni, mené par enquêtes, échanges directs ou via notre réseau interne.
Nous sommes également très fiers que 60 % de nos apprenant·es soient des femmes, un chiffre encore trop rare dans le secteur. Enfin, une quinzaine de restaurants ont déjà été créés par d’anciens élèves : la majorité choisit de poursuivre en cuisine pour évoluer, mais ces ouvertures incarnent notre plus belle réussite, celle de transmettre l’envie d’entreprendre autrement.
Le lancement du CAP Pâtissier durable est une première en France. Quelles transformations espérez-vous impulser dans le domaine de la pâtisserie, et comment ce diplôme traduit-il votre vision d’une gastronomie plus responsable ?
Ce programme part d’un constat : le CAP Pâtissier est un diplôme d’État qui ne peut pas être modifié dans son contenu, mais nous pouvons lui adjoindre une piste durable. Nous préparons donc nos élèves au CAP tout en les formant à des pratiques conscientes : choix des matières premières, circuits courts, réduction du gaspillage. Aucun élève ne sortira d’ici sans cette vision responsable du métier.
Nous lançons aussi un parcours autour du service – très novateur – qui mise sur la posture, la confiance et le relationnel. Les élèves y suivront plus de 60 % d’exercices théâtraux et scéniques : apprendre à raconter une histoire, à incarner un geste, à être fier.e de son métier et à faire du service et des menus un art du récit.
Enfin, le futur programme “barman durable” s’inscrira dans la même logique : privilégier les boissons non alcoolisées qui s’annonce être une grande tendance dans les années à venir, éviter le déchet, valoriser le local et la saisonnalité des produits. Par-là, il s’agit véritablement de transmettre les compétences indispensables à la mixologie de demain.
Toutes ces formations demandent évidemment de penser en parallèle les questions de financement et de capacité de déploiement. Le campus de Bercy a justement été conçu comme le site pilote de ces nouveaux programmes : un lieu-test pour évaluer leur viabilité avant un éventuel déploiement à plus grande échelle.
Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?
De la stabilité politique. Les métiers en tension comme la restauration dépendent encore trop des financements publics pour se former et se renouveler. Nous avons besoin d’un État qui continue de croire en la formation gratuite et accessible, car sans éducation ouverte à tous et sang-neuf, notre secteur ne pourra pas se reconstruire durablement.
L’avis de FoodBiome
Chez FoodBiome, nous sommes convaincus que le futur de la gastronomie ne se joue pas seulement dans les assiettes, mais dans la manière d’apprendre à les créer. Ce que bâtissent Laurent Perlès et Alexandre Panza avec La Source dépasse la simple école : c’est une révolution silencieuse dans la formation culinaire, une refondation fondée sur l’intelligence collective, la durabilité et la dignité des métiers.
Le campus Lumière à Bercy n’est pas seulement un nouveau lieu : c’est un accélérateur d’impact. Ici, la pédagogie devient un levier de transformation systémique : former, inspirer et transmettre pour reconstruire une restauration capable de durer. Chez FoodBiome, nous sommes fiers d’accompagner depuis plusieurs années cette vision devenue réalité, celle d’une école qui éclaire, littéralement, la voie d’une gastronomie plus juste, vivante et humaine.
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