Nutreets développe des fermes aquaponiques au coeur des villes

Entretien avec Guillaume Pelet, président de Nutreets

Bonjour Guillaume, avant toute chose, peux-tu nous expliquer en quoi consiste l’aquaponie et quels sont les avantages de cette méthode ?

Avec plaisir ! L’aquaponie correspond à une méthode de production qui combine la culture de végétaux et l’élevage de poissons : leurs déjections étant riches en éléments azotés, elles sont filtrées, transformées en nitrates, puis assimilées par les plantes pour favoriser leur croissance. L’eau est ainsi purifiée, et réutilisable à l’infini pour alimenter les bassins de pisciculture.

C’est en somme un processus productif vertueux et circulaire dans lequel chaque écosystème sert l’autre : les déchets des uns sont la matière première des autres.

Principe de l’aquaponie (source : présentation Nutreets)

Ces méthodes mettent à disposition des agriculteurs et pisciculteurs des outils de production plus performants et durables :

  • L’impact environnemental global est moindre, grâce à la réduction de l’usage des intrants et les économies d’eau réalisées (jusqu’à 90% d’économie par rapport à une exploitation classique)
  • La densité de plantes au m2 et les fréquentes rotations de cultures optimisent les rendements (les fermes aquaponiques sont jusqu’à 11 fois plus productives que des fermes classiques) 
  • La production de poisson, produit à forte valeur ajoutée, augmente et sécurise la rémunération des exploitants, tout en leur offrant de nouveaux débouchés
  • En plus de préserver les terres arables, ces cultures hors sol permettent de réhabiliter des espaces en friche ou sous exploités, et de réintroduire de la production dans des environnements urbains et périurbains, favorisant ainsi l’accès des populations à une alimentation de qualité
Source : page Facebook Nutreets

Concrètement, comment développez-vous ces fermes et quel est votre modèle économique ?

Nous adressons deux typologies de clients : les clients dits “historiques”, maraîchers et pisciculteurs, qui souhaitent diversifier leurs activités, et les “nouveaux entrants”, foncières, acteurs de l’hôtellerie restauration ou de la grande distribution, qui souhaitent adosser ces fermes aquaponiques à leurs activités. Dans les deux cas, nous les accompagnons depuis la réflexion jusqu’à la mise en oeuvre et la gestion des sites :

  • Études afin de proposer des solutions adaptées aux clients et aux espaces
  • Gestion et maintenance des différents sites de production mis en place
  • Commercialisation des productions auprès de débouchés locaux

Les fermes sont généralement mises en place dans des serres qui peuvent aller de 300 m2 à 1 ha. Des grands bassins permettent de combiner les zones de cultures piscicoles et végétales : 

  • On élève généralement des poissons d’eau douce : truites, sandres et carpes, qui sont adaptées à une production annuelle
  • Côté fruits et légumes, on alterne des végétaux cycles courts (légumes feuilles, plantes aromatiques, fleurs comestibles, fraises…) et cycles longs (tomates, courgettes, melons, poivrons, piments, aubergines…) afin d’avoir une production diversifiée et correspondant aux besoins des clients tout au long de l’année.
Exemple de la Ferme de Loire Atlantique (source : page Facebook de Nutreets)

Le dimensionnement des projets, les typologies de cultures et les débouchés associés sont chaque fois adaptés aux lieux d’implantation, et à l’ambition et aux besoins des territoires dans lesquels ils sont ancrés.

Nous avons par exemple des projets qui sont très urbains, comme la ferme de Colombes mise en place avec Nexity, qui relocalise des productions alimentaires au cœur d’un projet immobilier, tout en servant de mur anti-bruit et anti-pollution, dans ce quartier très proche de l’A86. D’autres projets sont plus péri-urbains, comme notre site historique de La Chapelle-Basse-Mer.

Visuel du projet imaginé à Colombes pour Nexity (source : site internet Nutreets)

Comment vos modèles favorisent-ils la résilience alimentaire des territoires ? 

Réintroduire des fermes de ce type en proximité des villes permet une réelle relocalisation de la production alimentaire à proximité des bassins de consommations.

Nos projets sont pensés dans une optique de performance environnementale et économique, et ont pour vocation d’alimenter un bassin de population local relativement conséquent. Pour vous donner une idée, une ferme d’1 ha est capable de produire plus de 45 tonnes de poissons, environ 540 000 plantes et 24 tonnes de fraises et tomates.

Aujourd’hui, nos débouchés sont locaux et diversifiés, et nous touchons aussi bien les professionnels comme les MIN, la restauration collective et commerciale, que les particuliers, via des sites e-commerce ou des plateformes comme La Ruche qui dit Oui ! Le projet d’Orlytech vendu au Groupe Accor Invest illustre bien cet ancrage local : nous avons installé une ferme de 2 000 m2 sur le toît du Mercure de Paray Vieille Poste, afin d’alimenter le restaurant de l’hôtel en produits frais, sourcés en circuit court.

Au-delà de l’aspect productif, nos projets ont aussi pour vocation de former aux enjeux de la transition agricole, et d’acculturer le grand public à ces nouvelles façons de produire et de consommer. Nous avons mené par exemple un partenariat avec le rectorat de Loire Atlantique afin de recevoir toutes les classes de seconde sur notre site de Nantes. Sur d’autres projets, on réfléchit à ouvrir nos fermes dans le cadre de formations professionnalisantes, pour encourager et développer des nouvelles vocations.

Peux-tu nous en dire plus sur la façon dont vous intégrez la circularité tout au long de la chaîne de valeur ?

Combiner la production de poissons et de plantes fait de l’aquaponie un système circulaire par essence, dans lequel les ressources sont optimisées, la production de déchets est réduite, et l’apport énergétique est limité. Mais au travers de nos projets, nous essayons d’aller encore au-delà, et de valoriser au maximum tous les flux entrants et sortants de la chaîne de production.

Par exemple, nous menons un projet avec Trivalis, l’organisme qui s’occupe de la gestion des déchets en Vendée, sur la revalorisation de l’énergie fatale de certains processus industriels, pour permettre de chauffer l’eau des poissons, qui nécessite une température constante. La déperdition de chaleur liée au traitement des déchets est aujourd’hui ce qui impact le plus le bilan carbone de ces activités, et il y a donc un intérêt évident à les coupler avec nos serres. Ce partenariat est d’autant plus judicieux que le territoire vendéen est maillé de beaucoup d’entreprises agroalimentaires, qui seront des partenaires très structurants pour assurer la commercialisation des produits localement. Le projet devrait voir le jour fin 2024.

Que peut-on vous souhaiter pour l’année à venir ?

Nous avons énormément de projets qui se concrétisent en ce moment, avec une grosse dynamique sur les territoires ultramarins. Avec 10 devis signés en 2022 et 45 dossiers en cours de négociation, le gros challenge de cette année va être de réussir à tout manager et de continuer de développer notre modèle de façon ambitieuse. Cette montée en charge s’accompagnera d’une grosse phase de recrutement, et nous devrions passer d’un effectif de 8 salariés à plus de 20 d’ici la fin de l’année.

L’avis de FoodBiome

Les fermes aquaponiques développées par Nutreets ré-ancrent des systèmes productifs et durables à proximité des villes, et facilitent l’accès à une alimentation locale et de qualité pour les populations urbaines.

En plus de promouvoir des trajectoires agricoles innovantes et vertueuses, ces projets sont pleinement connectés à leurs territoires, et créent du lien entre les différents acteurs locaux, transformateurs, distributeurs, mais aussi acteurs de l’économie circulaire, d’un bout à l’autre de la chaîne.

Nous ne pouvons qu’encourager ce type d’initiative, qui contribue à renforcer l’autonomie alimentaire de nos territoires et reconnecte les urbains avec l’agriculture et le vivant.

Pour en savoir plus sur Nutreets, consultez leur site internet.