Bio&Lo, la start-up qui installe des micro-laiteries dans des fermes bio en France

Entretien avec Pierre-Marie Brizou, Responsable Amont chez Bio&Lo

Bonjour Pierre-Marie ! Vous travaillez chez Bio&Lo, une start-up qui installe des micro-laiteries dans des fermes bio. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours et sur la genèse de cette entreprise ?

Bien sĂ»r ! Je suis ingĂ©nieur agronome de formation. J’ai travaillĂ© chez Danone pendant vingt ans avant de rejoindre Jean-Guillaume et Christophe, les fondateurs de Bio&Lo. En tant que troisième associĂ© de l’Ă©quipe, je suis en charge de la relation avec les fermes, de la finance et des achats. Jean-Guillaume gère la partie ingĂ©nierie, process et maintenance tandis que Christophe, ancien directeur gĂ©nĂ©ral de la marque “Les 2 Vaches” de Danone, s’occupe de la partie commerce, marketing et communication.

Jean-Guillaume et Christophe souhaitaient dĂ©velopper un projet entrepreneurial rĂ©pondant Ă  deux dĂ©fis majeurs : rĂ©duire la dĂ©pendance des agriculteurs envers les collecteurs de lait et amĂ©liorer la rĂ©partition de la valeur au sein de la filière laitière. Pour maintenir une agriculture biologique viable et pĂ©renne, il est essentiel de ramener plus de valeur ajoutĂ©e dans les fermes. Une solution s’est imposĂ©e : la transformation Ă  la ferme. C’est ainsi que le projet a dĂ©marrĂ© en 2021.

Votre marque de fabrique, c’est le yaourt vendu en vrac. Comment est-il accueilli par votre clientèle ?

En effet, le  yaourt transformé est commercialisé sous trois sortes d’emballage possibles : des poches de 700g pour la grande distribution, des poches de 5kg pour les collectivités et une gamme sous forme de fontaine pour les chaînes de restauration. Le choix des poches était avant tout un choix d’efficacité pour l’atelier de transformation. La bonne nouvelle additionnelle, c’est qu’on vient réduire drastiquement l’emballage dans la chaîne de restauration, tout en garantissant la sécurité alimentaire.

D’ailleurs, beaucoup de discussions commerciales dĂ©marrent autour de cette fontaine de yaourt. Dès lors, notre prioritĂ© est d’expliquer notre projet et nos engagements envers les fermes et la filière. Notre innovation, portĂ©e par une histoire engagĂ©e avec les fermes et des valeurs fortes, suscite de l’intĂ©rĂŞt.

Produits commercialisés par l’entreprise Bio&Lo

Comment se formalise le contrat entre Bio&Lo et les fermes ?

Bio&Lo est un vrai projet de filière : nous intervenons Ă  diffĂ©rentes Ă©tapes du projet de transformation. Tout commence par une rencontre avec un Ă©leveur qui transforme dĂ©jĂ  son lait ou qui a un projet de transformation. Nous l’accompagnons d’abord sur l’ingĂ©nierie financière, puis sur l’ingĂ©nierie du projet avec une solution de transformation que nous avons co-dĂ©veloppĂ©e avec nos fournisseurs. Nous suivons la ferme tout au long du projet, assurons la formation et l’accompagnement qualitĂ© de l’Ă©leveur, jusqu’Ă  ce que lui ou la personne qu’il aura embauchĂ©e soit capable de produire un yaourt de qualitĂ© sur sa ferme. C’est la première Ă©tape.

Ensuite, nous proposons Ă  la ferme (Ă©leveur ou associĂ©s) notre aide Ă  la commercialisation. Une discussion s’engage alors sur la part de production qu’ils souhaitent nous confier. Nous Ă©tablissons un contrat Ă©quitable avec la ferme, dans lequel Bio&Lo s’engage sur les quantitĂ©s, la durĂ©e et le prix d’achat des yaourts sortis de ferme. Nous signons des contrats de trois ans avec tacite reconduction.

Sous quel modèle économique fonctionne Bio&Lo ?

Le modèle économique repose sur deux activités principales :

  • L’achat et la commercialisation de yaourts produits par les fermes partenaires
  • Les revenus gĂ©nĂ©rĂ©s par les fontaines Ă  yaourt, dont Bio&Lo est propriĂ©taire, via une redevance sur chaque kilogramme de produit distribuĂ©

Concernant l’amont, notre modèle est sĂ©curisant pour les exploitants : nous garantissons l’investissement, la main-d’Ĺ“uvre et l’ensemble des charges. Nous valorisons le prix du lait dans le yaourt de façon progressive, selon le volume d’activitĂ© entre Bio&Lo et la ferme.

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Photographie d’une micro-laiterie Bio&Lo

Combien de micro-laiteries ont été installées ?

La première micro-laiterie a Ă©tĂ© installĂ©e en juin 2023 sur la ferme pĂ©dagogique du lycĂ©e du Valentin Ă  Bourg-lès-Valence (DrĂ´me). C’est avec elle que nous avons affinĂ© notre modèle contractuel et Ă©conomique. Forts de cette expĂ©rience, nous avons lancĂ© dĂ©but 2025 le projet sur une deuxième ferme Ă  BrĂ©autĂ© (Seine-Maritime) et la troisième dĂ©marrera en juin Ă  Saint-Galmier (Loire). Trois ou quatre autres projets sont prĂ©vus dans les prochains mois, rĂ©partis Ă  travers la France. En rĂ©ponse Ă  une traction commerciale soutenue, nous sommes actuellement dans une phase d’accĂ©lĂ©ration. Notre objectif est de dĂ©velopper un rĂ©seau de fermes avec le maillage le plus dense possible.

Nous commercialisons Ă©galement des compotes de pommes, pomme-fraise et pomme-framboise, en collaboration avec des ateliers d’agriculteurs biologiques. Ces ateliers sont dĂ©jĂ  en place et nous distribuons leurs produits en ouvrant  des canaux commerciaux entre des ateliers et nos clients.

Avez-vous des conditions sur les fermes que vous accompagnez d’une part et sur votre clientèle d’autre part ?

Nous travaillons avec des fermes bio car c’est un modèle que nous souhaitons soutenir pour les bĂ©nĂ©fices Ă©cosytĂ©miques créés. Ensuite, la quantitĂ© de lait produite sur la ferme est une dimension importante. Aujourd’hui, les plus petits ateliers que nous installons transforment une centaine de tonnes par an, soit une demande de 250 000 litres de lait. Nous collaborons en majoritĂ© avec des fermes collectĂ©es par Biolait, dont le cahier des charges met l’accent sur le pâturage et l’accès Ă  l’extĂ©rieur, mais nous n’imposons pas de cahier des charges supplĂ©mentaire. C’est avant tout une discussion entre Bio&Lo et l’Ă©leveur autour de son projet de transformation.

CĂ´tĂ© commercial, nous travaillons avec une grande diversitĂ© d’acteurs : chaĂ®nes d’hĂ´tels, crèches, collectivitĂ©s, grossistes. Nous sommes prĂ©sents sur tous les circuits de restauration hors domicile. En distribution, nous collaborons avec des e-commerces bio, des magasins bio et la grande distribution. Nous n’avons pas de parti pris commercial particulier ; notre objectif est de dĂ©ployer nos produits avec les partenaires dĂ©sireux de travailler avec nous.

En quoi le modèle de Bio&Lo se distingue-t-il du modèle industriel traditionnel de la filière laitière ?

La principale diffĂ©rence rĂ©side dans la crĂ©ation de valeur par la transformation du lait sur la ferme. Nous sommes certifiĂ©s Équitable par Agri-Éthique, ce qui garantit que nos yaourts respectent des critères Ă©quitables, notamment le prix du lait. Nous atteignons rapidement des valorisations autour de 650 Ă  700 euros les 1000 litres de lait [par rapport Ă  517€/1000 L de lait bio payĂ© au producteur en 2024 selon FranceAgriMer], valeurs qui Ă©voluent en fonction du volume de production.

Cette valorisation permet de repenser le modèle agricole tant sur le plan social qu’environnemental. Elle permet, par exemple, d’embaucher une personne supplĂ©mentaire sur la ferme, crĂ©ant un emploi et offrant plus de flexibilitĂ© dans l’organisation. Elle peut Ă©galement permettre de rĂ©duire l’intensitĂ© de la production, de revoir le modèle agricole, et de rouvrir des discussions qui auraient pu ĂŞtre figĂ©es par un modèle oĂą les producteurs ont peu de pouvoir de nĂ©gociation face aux industriels. Nous nous Ă©loignons des discussions purement axĂ©es sur la valeur Ă©conomique. Ce projet s’inscrit dans un objectif de pĂ©renniser le mĂ©tier d’éleveur laitier bio par un meilleur revenu et une plus grande attractivitĂ© auprès des jeunes gĂ©nĂ©rations.

Merci Pierre-Marie !

Utilisation d’une fontaine à yaourt Bio&Lo

💡 L’avis de Foodbiome ?

En 2020, la moitiĂ© des exploitations agricoles françaises sont dirigĂ©es par des agriculteurs de 55 ans ou plus, et le nombre de producteurs de lait bio ne cesse de diminuer. C’est pourquoi nous soutenons des projets comme Bio&Lo, qui organise un rĂ©seau d’ateliers de transformation de taille intermĂ©diaire en plaçant l’agriculteur au cĹ“ur du modèle. L’engagement pour une meilleure rĂ©munĂ©ration des Ă©leveurs d’une part, et la diminution drastique des emballages dans la commercialisation d’autre part, rĂ©pondent Ă  des enjeux actuels majeurs.