Entretien avec Frédéric Marchand, sénateur du Nord, auteur d’un rapport sur les PAT

Bonjour M. le Sénateur, vous avez coordonné la rédaction d’un rapport sur les PAT publié en juillet 2022 et intitulé Projet Alimentaires Territoriaux “plus vite, plus haut, plus fort”. Pourriez-vous nous rappeler les principales conclusions de ce rapport ?

Le rapport fait suite à une demande de l’État d’évaluer un dispositif (les PAT) dont les mécanismes d’évaluation n’avaient pas été anticipés au départ. La création des PAT date de 2014, sous l’impulsion de la Loi d’avenir pour l’agriculture. 8 ans plus tard, il y a plus de 400 PAT actifs sur tout le territoire, ce qui témoigne du fort intérêt des collectivités pour ce dispositif. Il était donc légitime de se poser la question de leur efficacité. Nous avons auditionné une grande diversité d’acteurs représentatifs de l’écosystème des PAT : administrations, collectivités, élus, associations, recherche, réseaux, syndicats agricoles, et bien sûr des PAT.

Nous formulons dans le rapport dix recommandations clés (retrouvez le rapport ici), que nous pouvons regrouper en 3 idées directrices.

Premièrement il y a un véritable besoin de coordination et de gouvernance des initiatives qui se multiplient, et de mise en cohérence des différentes politiques publiques alimentaires et agricoles existantes. Cela appelle la dotation d’une compétence alimentation aux collectivités pour en faire des autorités organisatrices dans le domaine. Et également d’oeuvrer à ce que les collectivités puissent flécher la commande publique vers une alimentation locale, ce qui est interdit aujourd’hui par les règles européennes.

Deuxièmement, il est nécessaire de penser l’articulation entre les différents outils d’aménagement territoriaux (ex : PLU, PLUI, SCOT, SRADDET, etc.) avec les thématiques agricoles et alimentaires portées par les PAT. En effet, celles-ci recoupent souvent des questions d’usage du foncier, de biodiversité, de protection de la ressource en eau, etc. que l’on retrouve dans ces dits documents de planification territoriale.

Troisièmement, il y a un besoin de structurer un réseau et une gouvernance des PAT pour renforcer les dynamiques émergentes de partages telles que le RnPAT (Réseau National des PAT).  Il faut notamment élargir la gouvernance pour y intégrer un comité stratégique et un comité scientifique, et consolider un réseau de correspondants locaux dans les départements. Il est également nécessaire d’aller plus dans la mutualisation et le partage d’outils au service des PAT.

Les compétences en matière d’alimentation et d’agriculture sont très fragmentées entre les différents échelons territoriaux, l’État et l’Europe. Comment faire pour avoir une stratégie plus cohérente, avec une véritable vision du schéma directeur alimentaire et agricole ?

Je milite et préconise qu’on puisse confier aux différents échelons des collectivités (EPCI, communes, pays, départements, régions) une compétence partagée en matière d’alimentation. Cette dynamique est déjà à l’oeuvre dans d’autres domaines comme l’habitat avec le PLH (Plan Local de l’Habitat) ou encore la mobilité au niveau des EPCI grâce à la loi LOM (Loi d’Orientation des Mobilités). On pourrait par exemple commencer par le foncier. Il y a un véritable empilement des différents documents d’urbanisme, et je pense qu’il est nécessaire de reconnaître l’importance de l’alimentation en sanctuarisant des terres agricoles. Il s’agit tout simplement de reconnaître institutionnellement le fait alimentaire pour soutenir le développement des relations entre les territoires.

Autre exemple, les légumeries connaissent un essor considérable grâce à l’émergence des PAT, mais il n’y a pas de vision, ni de schéma directeur. Le résultat est que sans doute trop de projets  voient le jour, et parfois à quelques dizaines de kilomètres les uns des autres sans concertation. C’est là que les services de l’État pourraient aider à définir une vision d’ensemble, et un schéma d’équipement du territoire en légumeries.

Nous remarquons que les PAT arrivent souvent très bien à mobiliser les collectivités, la restauration collective publique, les associations, les producteurs indépendants ; mais que les coopératives agricoles et la grande distribution sont plus souvent absentes. Quelle en est votre analyse ?

Vous avez en raison en effet, il est nécessaire que les PAT soient des PAT systémiques qui embrassent tous les aspects de l’alimentation de l’amont à l’aval. Il y a tout un tas d’acteurs qui ne se sentent pas concernés, qui ne sont pas sollicités, qui ne connaissent peu ou pas le dispositif. Je pense que c’est notamment le cas pour les coopératives agricoles et la grande distribution. Le paradoxe des PAT c’est qu’il y a 2/3 des français qui sont concernés par les PAT mais que personne ne sait ce que c’est. Il y a un vrai boulot de pédagogie à faire. Le rôle des collectivités en lien étroit avec la politique nationale est donc essentiel pour faire connaître le dispositif à l’ensemble des acteurs concernés. Et je milite également pour qu’on puisse sanctuariser une enveloppe de 80 millions d’euros par an pour pérenniser le dispositif qui ne demande qu’à grandir.

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