Quelle part d’animal dans nos assiettes ?

« Je connais bien l’animal mort dans votre assiette… »  – Francis Cabrel

J’ai eu la chance insigne d’être élevé dans deux cultures radicalement différentes, voire même opposées sur certains points, notamment celui de « l’animal dans notre alimentation ». 

D’un côté les « Daguin », le Sud Ouest, le foie gras, les volailles, le magret bien sûr (inventé par mon père André) et cette vision très gasconne de l’alimentation dans laquelle prime la bestiole. De l’autre côté, celui de ma mère, des grands parents végétariens, férus de macrobiotique et porteurs d’une vision de la santé proche des médecines ayurvédiques et énergétiques.

Repas

J’ai donc marché sur ces deux jambes toute ma vie et, durant ma carrière de cuisinier-restaurateur, je me suis efforcé de prendre dans les deux camps tout ce qui me paraissait utile et sensé pour m’aider à avancer dans mon métier.

C’est en commençant à m’intéresser de près à l’agriculture et à notre Histoire alimentaire, il y a déjà trop longtemps, que ma vision de la consommation animale a radicalement changé.

Difficile, voire impossible aujourd’hui de penser la production animale comme un sujet à part entière.

Nous savons maintenant que notre production alimentaire doit impérativement s’orienter, transiter même, vers un projet agricole global et équilibré. Nous commençons à réaliser que l’activité extractive, minière et productrice de déserts qu’a été notre agriculture depuis le néolithique ne pourra pas continuer à nous nourrir sans nous mettre en danger. Nous comprenons que l’agriculture se résume à une production de biomasse par le Vivant.

Si nous la pensons « idéale », cette agriculture devrait être capable de produire suffisamment de biomasse pour remplir ses missions essentielles : 

– Se nourrir elle-même, c’est-à-dire consacrer une partie de la biomasse produite à sa propre régénération, tendre vers l’auto-fertilité

– Nous fournir des matériaux et de l’énergie à foison

– Nourrir les humains ET leurs bêtes (il y a aujourd’hui sur Terre plus d’animaux domestiques que d’animaux sauvages)

C’est ce dernier point, cette dernière mission qui nous oblige à une interrogation incontournable : Combien de bêtes ?

Pour y répondre, quoi de plus pertinent que de prendre exemple sur le monde vivant lui-même ?

En effet, tous les systèmes que nous pouvons observer dans le Vivant tendent vers l’équilibre, un équilibre mouvant, dynamique et productif dans lequel les parts animales, végétales, fongiques se régulent dans une (re)production permanente animée par l’énergie inépuisable (et gratuite) du soleil. C’est la recherche de cet équilibre, que nous appellerons « Agro-sylvo-pastoral » qui, in fine va nous aider à décider de la part de production animale nécessaire et indépassable dans nos projets agricoles. 

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Cette part ne dépendra plus de nos désirs de consommation mais des besoins issus des projets agricoles eux-mêmes.  Ce changement profond de paradigme n’a rien de dogmatique, foin d’idéologie là-dedans, il ne s’agit que de bon sens.  Nous avons, pour assurer la pérennité de notre espèce, besoin d’une agriculture qui produise énormément plus de biomasse qu’aujourd’hui.

Infléchir et orienter la production du Vivant pour obtenir cette colossale production ne pourra se faire que dans un équilibre qui lui-même définira la part animale le composant.

Et c’est de cette part animale dont nous disposerons, ni plus ni moins. Que nous soyons végans, végétariens, flexitariens ou carnivores n’a, en fait aucune importance.

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