Terroirs Ariège Pyrénées : une plateforme au service des producteurs et de la restauration collective

Interview de Philippe Beaufort, directeur de la plateforme Terroirs Ariège Pyrénées (TAP)

Au cœur de l’Ariège, la plateforme TAP joue un rôle clé dans l’approvisionnement local de la restauration collective. Retour sur son histoire, ses missions et ses défis avec Philippe Beaufort, qui dirige cette structure depuis plusieurs années.

Logo de la plateforme TAP

Bonjour Philippe, pouvez-vous nous présenter la plateforme TAP ?

Avec plaisir. La plateforme Terroirs Ariège Pyrénées, ou TAP,  est une Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC) créée en 2011 à l’initiative de la Chambre d’agriculture de l’Ariège, dans la foulée de démarches engagées dès 2010 par le Conseil départemental pour introduire un repas ariégeois par mois dans les collèges. À l’origine, il s’agissait de structurer un outil capable d’approvisionner non seulement les collèges publics – ils sont 13 dans le département – mais aussi les écoles primaires et l’ensemble de la restauration collective locale.

Comment fonctionne la plateforme aujourd’hui ?

Nous sommes une plateforme d’achat-revente, ce qui signifie que nous achetons les produits auprès des producteurs locaux et les revendons aux collectivités. Nous proposons près de 500 références parmi différentes catégories de produits : fruits, légumes, viandes, produits laitiers, céréales.

 

Notre modèle est basé sur une marge commerciale de 20%, ce qui permet de couvrir nos charges et d’être autonomes financièrement. Nous travaillons main dans la main avec la SETAK, une entreprise de transport locale spécialisée dans le stockage et la livraison de produits alimentaires, qui nous loue les bureaux et le quai de chargement, et assure le transport selon les besoins réels de chaque client.

 

Notre équipe compte quatre salariés : une coordinatrice, un préparateur de commandes, une responsable des achats et une assistante commerciale, qui vient renforcer l’équipe depuis peu, tandis que je dirige la structure.

Quel est le rôle de TAP dans la structuration des filières locales ?

Nous accompagnons les collectivités dans la rédaction de leurs cahiers des charges et la préparation d’appels d’offres qui intègrent des clauses de sourcing local. Cela permet d’avoir une vision claire des volumes attendus et d’organiser la montée en charge progressive de la production. Nous répondons aux appels d’offres pour le compte des producteurs, ce qui leur permet d’accéder plus facilement à la restauration collective. Nous sommes aussi un interlocuteur unique pour accéder à une grande gamme de produits locaux.

Comment avez-vous réussi à fidéliser les producteurs locaux et à structurer l’offre ?

Nous avons mis en place un cadre contractuel sur trois ans avec plusieurs maraîchers, garantissant des volumes et des prix stables. Cela a permis de sécuriser les approvisionnements et d’inciter de nouveaux producteurs à s’installer ou à diversifier leur offre. Aujourd’hui, nous travaillons avec une vingtaine de maraîchers, dont beaucoup sont en bio, et nous cherchons à doubler ce nombre pour répondre à la demande croissante. Nous avons aussi signé un accord-cadre avec les producteurs pour planifier les volumes de légumes majeurs. Mais il est essentiel que les producteurs ne dépendent pas uniquement de la restauration scolaire : ils doivent diversifier leurs débouchés pour assurer leur viabilité économique.

Producteurs approvisionnant la plateforme. Source : Terroirs Ariège Pyrénées

Parlez-nous du lien avec la légumerie départementale !

La création de la légumerie en 2018 a été un moment décisif. Après avoir consulté tous les collèges, il est apparu que le principal frein était la gestion du temps de personnel pour l’épluchage des légumes. La légumerie mutualisée a donc été pensée pour répondre à ce besoin. Aujourd’hui, les collèges commandent des légumes bruts ou transformés, et le Conseil départemental prend en charge le transport aller-retour. Les coûts de transformation sont invisibles pour les collèges, ce qui facilite l’adoption du service.

Quels sont les leviers et les freins rencontrés par TAP ?

Le principal levier a été le partenariat avec la SETAK dès le départ, qui nous a permis de monter en puissance sans investir dans des capacités de transport. Nous avons également bénéficié d’un accompagnement de la Chambre d’agriculture, notamment pour le salaire de notre coordinatrice pendant les premières années. En termes de freins, la gestion des volumes et de la diversité des produits reste un défi, surtout avec une production maraîchère très dispersée. Nous travaillons à la contractualisation avec les producteurs pour sécuriser les approvisionnements. La légumerie, qui ne transforme que deux jours par semaine, rencontre aussi des contraintes de DLC qui obligent à une gestion fine des livraisons.

Comment voyez-vous l’avenir de la plateforme ?

Nous continuons à accompagner les collectivités, à structurer les filières locales et à explorer de nouveaux débouchés, notamment auprès des épiceries, des acteurs de la restauration hors domicile, ou de la restauration collective en Haute-Garonne. Enfin, nous préparons l’arrivée d’un nouvel équipement : un tunnel de congélation de grande capacité, financé par un acteur privé, qui nous permettra de proposer une gamme de légumes surgelés et d’élargir notre offre auprès de la restauration collective.

Tunnel de surgélation. Source : demaco-cryogenics.com

Notre objectif est d’être un acteur de référence pour l’approvisionnement local et de contribuer à la résilience alimentaire du territoire.

Très bien, merci beaucoup Philippe !

💡L’avis de FoodBiome

Terroirs Ariège Pyrénées s’attaque à un problème clé des chaînes alimentaires de territoire : la mutualisation de la logistique à une échelle locale. En restant concentré sur sa zone de chalandise primaire, le département de l’Ariège, et en ayant réalisé un partenariat fort avec la SETAK (le transporteur), la plateforme TAP a su créer un modèle pérenne malgré la complexité de l’équation économique de ce type d’activité. De plus, TAP rend un véritable service aux producteurs en les déchargeant de la responsabilité des réponses aux marchés publics, et représente donc à ce titre un véritable atout stratégique pour le développement de filières alimentaires de proximité.