Vivants ou pas ?

N’oublions pas qu’ils sont le Vivant,

N’oublions pas qu’ils étaient là bien avant nous et qu’ils sont nos ancêtres

N’oublions pas que sans eux nous sommes incapables d’exister

N’oublions pas que nous n’en connaissons qu’une infime partie

N’oublions pas qu’ils ne sont ni bons ni mauvais, ils sont et c’est tout

Vous l’avez compris, nous parlons là des microbes, les seuls habitants de notre planète à avoir été présents depuis les débuts de la vie, et pour cause : ils sont les débuts de la Vie. Nous entretenons avec eux des rapports plus qu’ambigus ; depuis Louis Pasteur et même plus tôt ils nous sont décrits comme une menace et comme des outils, nous les divisons en deux camps, les « bons » et les « méchants », exactement comme dans ces films d’Hollywood qui sont censés nous éduquer sur le bien et le mal. Peut-être un jour retrouverons nous un peu de lucidité et de calme quant à notre relation au Vivant en général et à ces populations immenses de toutes petites choses en particulier. En attendant ces temps bénis où l’Humain retrouvera sa place, si tant est qu’ils adviennent sans trop de casse, mesurons la chance que nous avons d’être encore vivants grâce à ces innombrables et microscopiques « choses » dont, pour beaucoup d’entre elles, nous ne savons même pas dire si elles sont vivantes ou pas.

Notre monde est un microbiome géant dans lequel tout ce qui est vivant dépend entièrement de ses relations intimes et invisibles avec les microbes. Les mitochondries qui sont, rappelons-le, nos bibliothèques d’ADN et les « piles » de nos cellules, sont d’anciennes bactéries ayant évolué pour ces usages cruciaux. De même les chloroplastes, au sein des plantes, qui font toute la Vie par la photosynthèse sont aussi d’anciennes bactéries ayant changé de fonction au fil du temps. 

Vous comprendrez aisément pourquoi un vieux cuistot comme moi se méfie viscéralement quand on lui présente des « aliments » entièrement stériles, morts, et pour la plupart faits de fragments et de composés eux-mêmes issus de « cracking » physico-chimiques ayant, à minima, éradiqué toute forme de Vie en leur sein.

« Ce que tu manges te constitue », je ne peux pas croire que l’être humain puisse se constituer convenablement en consommant des aliments dénués de toute Vie n’ayant plus le moindre rapport matriciel avec le Vivant.

Il est grand temps que, armés de lucidité, de bon sens et d’esprit pratique, nous recousions ensemble le tissus dense et complexe de notre alimentation et ce, en partant du sol. Nous avons vitalement besoin, pour nous constituer et rester en bonne santé, d’une alimentation et donc d’une agriculture dont les acteurs décident et comprennent ce qu’ils font avec le Vivant. Il nous faut des filières sans plus d’opacité, où tous les acteurs connaissent les valeurs incluses dans les produits alimentaires et les respectent « du sol aux selles ».

Beaucoup de travail reste à faire en ce sens : faire se parler des gens qui, d’ordinaire, ne se parlent jamais, aider les agriculteurs à produire mieux et à réussir leurs trajectoires de progrès vers l’agroécologie, trouver la bonne échelle territoriale pour la logistique, le conditionnement, la transformation et la mise en marché de nos aliments… C’est là une des raisons d’être principales de Foodbiome et c’est pour cela que je me suis associé à sa création.

C’est sans aucun doute au prix de ce travail en profondeur, partout sur nos territoires, que nous pourrons disposer d’une alimentation apte à nous faire durer encore un peu sur cette planète.