A l’image du vin, osons une alimentation déstandardisée !

A l’heure où tant d’experts, d’élus, de chercheurs, d’entrepreneurs, se penchent sur le modèle alimentaire souhaitable dans le futur, je propose de regarder de plus près la filière viticole, inspirante sous bien des angles face aux grandes tensions que nous cherchons à résoudre…

  • notre souveraineté alimentaire : la France est le 2nd producteur mondial de vin (derrière l’Italie) et nos exportations de vins et spiritueux se sont établies à un nouveau record de 17 Mds d’euros en 2022, en hausse de 10,8% sur un an, portant leur balance commerciale nette à 15,7 Mds d’euros, juste derrière l’aérospatial. Cette même année, la balance commerciale (ie. le solde entre les exportations et les importations) des produits agricoles et agro-alimentaires s’élevait à 10,4 Mds€ soit un solde net hors vins & spiritueux de -5,3 Mds€ (source: INSEE)…
  • la juste rémunération de nos agriculteurs (et ainsi l’attractivité de ces métiers) : avec un revenu moyen de 60.721€, le niveau de vie moyen des viticulteurs est supérieur de 18,5% au niveau de vie moyen des agriculteurs (voir graphique ci-contre, source INSEE 2018).
Revenu disponible moyen des ménages agricoles selon la production agricole dominante du territoire en 2018
  • le changement des pratiques agronomiques : la vigne est une culture pérenne très dépendante de certains traitements ; elle représente 15 à 20% des volumes de pesticides pour seulement 3,5% de la Surface Agricole Utile. Toutefois, les viticulteurs sont parmi les agriculteurs les plus mobilisés pour améliorer leur pratiques (baisse de l’IFT de 18% entre 2016 et 2019, source Agreste). On note également une intensification des transitions en bio (17% des surfaces en bio en 2021, +22% vs 2020) loin devant la moyenne nationale (10,3% des surfaces). 61% des viticulteurs seraient en transition agroécologique vs 49% pour les autres agriculteurs (source étude BPCE/BVA 2021).
  • une alimentation moins ultra-transformée, permettant un apport de nutriments et de micro-organismes renforçant notre microbiote. Le vin est issu d’un processus de transformation naturel : fermentation alcoolique puis malolactique du raisin, connu depuis la Grèce antique, qui permet une longue conservation sans stérilisation. Ainsi le vin contiendrait plus de 600 substances différentes (vitamines, minéraux, lies, acides, sucres, et les célèbres polyphénols aux propriétés anti-oxydantes).
  • une chaîne alimentaire plus circulaire : l’essentiel du vin est conditionné en bouteilles de verre, recyclables à l’infini et recyclées à 78% en 2020 selon l’ADEME. Générant peu de bio-déchets, les marcs, lies, bourbes et sarments font l’objet de recherches en valorisation.

 

Et pour autant, l’observation des quelques statistiques ci-dessous donnent à réfléchir car la viticulture serait l’une des filières agricoles les moins massifiées, qui valorise le plus l’origine et la singularité des productions

Faut-il y voir un lien ? Faut-il y voir des pistes de solutions ?

Sources : FranceAgrimer, 2020 - INAO, 2020
Sources : FranceAgrimer, 2020 - INAO, 2020

Il est vrai qu’une bouteille de vin est l’expression d’une diversité infinie ; elle est la combinatoire exponentielle d’un terroir, d’un cépage, du savoir-faire d’un viticulteur et d’un millésime. Non substituable à une autre par ses caractéristiques uniques et transformée sur l’exploitation ou à proximité, elle exprime une incroyable variété de goûts et reflète l’histoire d’un terroir et d’une famille. 

Bouteille de vin

L’avenir de notre modèle alimentaire ne serait-il pas dans cette reconnexion à la diversité des origines et des terroirs, des génétiques et des savoir-faire artisans ? Pourtant très démassifiée, la viticulture est compétitive et exporte massivement ; elle rémunère également ses viticulteurs mieux que beaucoup d’autres filières.

Quelques rares filières alimentaires comme certains produits laitiers ou viandes de race ont réussi à développer cette même philosophie. Des initiatives se développent désormais autour des céréales anciennes (voir notre article sur Graines Équitables) ou des variétés de légumes oubliées. C’est dans ce cadre que les circuits-courts de distribution prennent tout leur sens en permettant d’écouler ces productions “signées”.

Promouvoir la déstandardisation suppose de repenser complètement notre modèle d’organisation agricole et alimentaire obsédé par la massification, source d’une apparente compétitivité. Car la massification crée de la complexité, multiplie les intermédiaires, génère du gaspillage au travers d’écarts de tri et ne valorise que le plus petit dénominateur commun d’une production. La massification neutralise les différences.

Or, comme le disait Albert Jacquard : “La richesse est dans la différence”!

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