Artémis Gibier remet au goût du jour la viande de gibier sauvage

Entretien avec Charlotte de Fougères, fondatrice d’Artémis Gibier.

Bonjour Charlotte, peux-tu te présenter et nous expliquer la genèse d’Artémis Gibier ?

Je suis indrienne depuis 12 ans maintenant, et j’ai toujours eu pour habitude de cultiver un art de vivre autour d’une consommation locale, durable et raisonnée. Il m’arrive notamment de cuisiner le gibier chassé localement, pour mes amis et ma famille. Agrémenté simplement de petits légumes ou herbes de mon jardin, c’est un régal croyez-moi !

Je me suis alors demandée pourquoi est-ce que seuls les chasseurs cuisinaient le gibier sauvage ? C’est en creusant la filière que je me suis rendue compte de ses dysfonctionnements : 70 % du gibier commercialisé en France provient de Nouvelle-Zélande ou d’Europe de l’Est… En parallèle, la France dispose d’une ressource naturelle peu valorisée puisque le gibier y est abondant : rien que dans l’Indre, nous avons un potentiel de 22 000 prélèvements annuels. Alors pourquoi aller à l’autre bout du monde chercher ce que l’on a chez nous ? Voilà la première question que je me suis posée et qui m’a donné envie de créer Artémis Gibier.

Artémis Gibier
Lancement de la start-up lors du Salon de la Chasse 2022

Que fait exactement votre start-up ?

Notre mission est de faciliter la mise sur le marché du gibier sauvage français tout en garantissant la traçabilité. Pour cela, nous avons développé deux activités, dont certaines verront le jour prochainement.

Tout d’abord, nous travaillons au lancement d’une application mobile à l’automne prochain pour la prochaine saison de chasse, pour mettre en relation les différents acteurs de la filière tout en assurant la traçabilité et optimiser les systèmes de collecte et en gérer les données. Aujourd’hui, les acteurs de la filière sont très différents en termes de process et d’enjeux ; il est compliqué de créer du lien entre eux et de suivre de manière fiable le parcours de la viande, de la chasse jusqu’à l’assiette.

Notre deuxième activité consiste à accompagner des professionnels travaillant déjà des produits carnés traditionnels et souhaitant se diversifier avec le gibier et partageant nos valeurs de proximité. Nous les accompagnons dans leur projet et leur proposons des méthodes pour collecter, préparer et commercialiser le gibier en circuit-court. Nous accompagnons d’ailleurs un premier projet pilote dans l’Indre et souhaitons à terme créer un réseau de franchisés…

terrines Artémis Gibier
Gamme de terrines et salaisons “100 % esprit sauvage, 100 % authentique” (source : page Facebook)

En quoi le grand gibier sauvage est-il une bonne alternative à la viande d’élevage ?

Pour beaucoup de raisons ! Tout d’abord, écologiquement parlant, l’élevage est responsable d’environ 50% des émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur agricole, ce qui représente à peu près 10% des émissions totales de GES mondiales tous secteurs confondus. Le grand gibier sauvage possède quant à lui une empreinte carbone complètement nulle. Et c’est sans parler du gaspillage qui sera évité en revalorisant cette viande délaissée, souvent perçue comme un sous-produit. Ainsi, en choisissant de consommer du gibier sauvage, on opte pour un mode de consommation raisonné et durable.

Sur le plan nutritionnel, la venaison est une viande très maigre puisque l’animal doit se déplacer en permanence pour survivre et se reproduire dans la nature. Par exemple, le sanglier sauvage est une viande 5 fois moins grasse que le porc, le cerf est 25 fois moins gras que le bœuf et le chevreuil est même moins gras que le poulet ! Dans un contexte où de plus en plus de gens souffrent de surpoids ou de maladies liées à une mauvaise alimentation, il y a de quoi se pencher sérieusement sur la question…

Finalement, l’importance de la souveraineté alimentaire est aujourd’hui telle qu’il est essentiel de relocaliser l’approvisionnement, notamment pour la filière viande. La chasse permet de se nourrir en circuit-court, dans un rayon de 80 km maximum et donc en hyper local.

gibier sauvage
Grand gibier sauvage

Quelles sont les évolutions nécessaires de la filière pour arriver à un modèle durable ?

La mission que nous nous sommes donné est de remettre au goût du jour la venaison, et pour cela il est essentiel d’impliquer un maximum de personnes. À court terme, nous souhaitons faire des chasseurs nos meilleurs ambassadeurs ; après tout, ce sont eux qui en seront les premiers bénéficiaires et qui pourront convaincre plus facilement le grand public ! Il y a aussi un gros travail d’image à faire sur le secteur de la chasse autour duquel beaucoup de polémiques ont lieu aujourd’hui. À long terme, l’enjeu sera réellement d’accompagner toute la filière, et plus largement d’apporter des solutions aussi bien aux circuits courts qu’aux circuits longs. L’idée est de ne pas voir les autres acteurs comme des concurrents, mais d’apporter une solution pour les différents référents de la filière. Ainsi, nous pourrons offrir aux consommateurs des possibilités de manger du gibier via notre marketplace, voire peut-être en accompagnant les grandes surfaces à s’approvisionner en gibier local.

Il est également nécessaire de structurer la filière en amont, à savoir l’abattage et la découpe de la viande. À titre d’exemple, il n’existe que quelques grosses unités de transformation du gibier en France (Château Thierry, au Nord et à l’Est de Paris), mais aucune au-dessous de la Loire ! Si l’on veut passer à l’échelle la consommation de gibier, il est donc primordial de mettre en place des outils de transformation sur le territoire, même si certaines contraintes rendent l’installation des petites structures assez compliquée, quand les grandes structures sont réglementées comme des abattoirs.

 

Avec quels acteurs travaillez-vous exactement ?

Évidemment, nous travaillons avec les chasseurs et les fédérations de chasse, mais aussi avec les collecteurs, les grossistes transformateurs, les restaurateurs, ainsi que les collectivités et institutions publiques locales et nationales. Ça en fait du monde à réunir autour de la table ! C’est d’ailleurs tout l’intérêt de notre application : mettre en relation les différents acteurs de la filière grand gibier sauvage, en garantissant la traçabilité et l’approvisionnement régulier en venaison. Elle va leur faire gagner du temps, limiter le gaspillage et redonner ses lettres de noblesse au gibier sauvage. L’application a vocation à être faite pour tous et au service de tous.

 

L’avis de FoodBiome

Artémis Gibier, dont la mission est d’assurer la traçabilité de la filière grand gibier sauvage, partage une ambition commune avec FoodBiome : restructurer les circuits alimentaires de proximité et restaurer le lien alimentation-territoire. Cet objectif ne pourra être atteint qu’en recréant du lien (via son application mobile) entre les différents acteurs de la filière de la chasse. La start-up s’attaque également à un gros défi : changer les mentalités autour d’une filière devenue source de polémiques aux yeux du grand public, via la commercialisation de produits à base de venaison remis au goût du jour.

Ce qui aujourd’hui ne séduit que très peu de consommateurs pourrait demain représenter une alternative à la viande d’élevage, intéressante à tout point de vue : empreinte carbone nulle, hyper localité, qualité nutritionnelle excellente, souveraineté alimentaire du territoire…

Pour suivre l’activité d’Artémis Gibier, rendez-vous sur leur site internet.