Atypique structure les filières de fruits et légumes déclassés

Entretien avec Thibault Kibler, cofondateur d’Atypique.

Bonjour Thibault, peux-tu nous présenter le concept d’Atypique ?

Chez Atypique, nous nous sommes fixés comme ambition de structurer la filière des fruits et légumes déclassés, en partant du constat alarmant que, chaque année, 11% de la production agricole est gaspillée dans les champs. Nous avons développé une solution pour lutter contre le gaspillage alimentaire à la source, et remettre en marché les produits issus d’excès de récolte et/ou considérés comme hors normes à cause de leur calibre ou de leur aspect.

Le modèle fonctionne comme celui d’un grossiste : nous achetons les produits auprès des producteurs et coopératives partenaires, les stockons au sein de nos entrepôts, et organisons les livraisons auprès de nos clients grâce à des partenaires logistiques. Aujourd’hui c’est la RHD (Restauration Hors Domicile) qui représente le plus gros de notre chiffre d’affaires, et notamment la restauration collective qui est très friande de produits sous signes de qualité. Cela leur facilite notamment l’atteinte des objectifs fixés par la loi EGalim, car 100% de notre offre est française, et 95% est labellisée.

C’est un système qui se veut vertueux d’un bout à l’autre de la chaîne : d’un côté le producteur récupère de la valeur sur des productions initialement gaspillées, de l’autre, les clients de la RHD et de la distribution ont accès à des produits très qualitatifs à prix réduits.

Source : Dossier de presse Atypique

Est ce que tu peux nous en dire plus sur le sourcing et la relation que vous avez avec vos producteurs ?

Aujourd’hui nous travaillons avec une cinquantaine de producteurs au national, ce qui nous permet d’avoir un catalogue assez complet de 45 références quotidiennes pour couvrir au mieux les besoins des différents clients. Tous les partenariats établis avec nos agriculteurs sont sur du long terme, et ils peuvent nous notifier via une application dès qu’ils ont des excédents de récolte ou des produits difficiles à écouler, afin que nous facilitions leur référencement. Et c’est un modèle qui fonctionne bien ! Depuis le lancement d’Atypique en 2021, nous avons sauvé près de 400 tonnes de fruits et légumes, et devrions atteindre les 600 tonnes d’ici la fin de l’année.

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Thibault, Simon et un de leurs agriculteurs partenaire / Source : Dossier de presse Atypique

Pour valoriser un maximum de produits, nous acceptons toutes les références sans minimum de volume, tant qu’ils sont français, respectent la réglementation européenne en termes de calibre, et représentent un intérêt pour nos clients. De fait, ils ne sont pas forcément locaux, mais toujours de saison, issus de circuits courts, et majoritairement bio et HVE (Haute Valeur Environnementale)

Aujourd’hui, nous nous attaquons à la revalorisation des fruits et légumes bruts, mais sommes ouverts à l’élargissement de notre offre à plus long terme. Nous pensons qu’il serait notamment intéressant d’intégrer des produits transformés type 4ème gamme ou soupes pour la restauration collective, et éventuellement d’ajouter d’autres denrées comme des viandes, poissons ou produits laitiers à dates courtes par exemple, pour compléter le catalogue.

Exemple de produits déclassés proposés / Source : Dossier de presse Atypique

Quelle typologie de clients adressez-vous ?

Nos débouchés principaux se font auprès des acteurs de la RHD, principalement la restauration collective, mais aussi les restaurateurs privés et certains traiteurs, ce qui représente un total de 140 clients. Certains adhèrent à la démarche plutôt pour des raisons écologiques, d’autres sont aussi et surtout convaincus par le tarif préférentiel. Proposer des fruits et légumes habituellement exclus des circuits traditionnels nous permet en effet d’afficher des prix 30% inférieurs par rapport à des grossistes classiques, qui plus est sous signes de qualité. 

Concernant la partie achats, nous référençons notre offre au sein d’une mercuriale de produits disponible en ligne, à partir de laquelle chaque enseigne va pouvoir passer commande en fonction de ses besoins, habituellement une fois par semaine.

Il est important pour nous que la démarche ne s’arrête pas à la vente, c’est pour cette raison que mettons à disposition des clients des kits de communication pour valoriser leur démarche, et intervenons dans le cadre d’animations, notamment auprès des cantines scolaires. L’objectif est de sensibiliser les enfants sur les thématiques du gaspillage alimentaire, et leur expliquer pourquoi les poires qui leur sont servies sont parfois plus petites, ou un peu biscornues.

Thibault Kibler (à gauche) et Simon Charmette, cofondateurs d'Atypique / Source : Les Echos

Comment est né Atypique ?

C’est suite à ma rencontre avec Simon que nous nous sommes lancés en 2021. Il est issu d’une famille d’agriculteurs ardéchois, et s’est très tôt retrouvé confronté aux problématiques liées au calibrage des fruits et légumes, et aux produits déclassés. Nos chemins se sont croisés au moment où je cherchais moi aussi à m’investir dans un projet porteur de sens, après un double cursus ingénieur / école de commerce et une expérience dans le conseil. Je suis issu d’une famille d’entrepreneurs, et c’est une fibre qui animait également Simon, en particulier depuis le projet humanitaire qu’il avait monté au Lesotho quelque temps auparavant. Nous étions tous les deux motivés à travailler sur un projet de lutte contre le gaspillage alimentaire et le timing était parfait, alors j’ai quitté mon CDI et nous nous sommes associés.

Que peut-on vous souhaiter pour la suite ? 

Aujourd’hui nous nous concentrons sur le déploiement de la solution sur différents territoires. Nous sommes présents en Auvergne, en PACA et à Paris, et devrions couvrir toute l’Île de France d’ici la fin de l’année. L’objectif serait d’essaimer le modèle et d’avoir des entrepôts dans chaque grande ville de France pour mailler tout le territoire. Nous prévoyons également une levée de fond début 2023 qui nous permettra de continuer notre déploiement au national. A plus long terme nous souhaiterions devenir l’acteur référent de l’anti-gaspi pour les professionnels de sorte à ce que les solutions de lutte contre le gaspillage soient connues de tous, et deviennent peu à peu la norme !

L’avis de FoodBiome : 

A l’heure où l’aide alimentaire concerne 7 millions de français (source : Banque Alimentaire), nous devons cesser d’exclure des produits de nos circuits alimentaires sous peine qu’ils ne correspondent pas aux formats et aspects imposés par la standardisation. Atypique s’attaque à ce sujet du gaspillage alimentaire à la source, en valorisant les produits de nos terroirs et leurs singularités, grâce à leur modèle de néo-grossiste en circuit-court. En plus de réduire les pertes de denrées alimentaires, ils offrent des débouchés et revenus supplémentaires aux agriculteurs, et facilitent l’accès à la RHD aux produits sous signe de qualité, sourcés en direct producteur. Grâce à une planification et une logistique efficaces, ils favorisent la logique de flux poussés en promouvant les productions du territoire auprès des clients de l’aval, qui adaptent leur offre en temps réel, via la cuisine de marché.

Nous ne pouvons que soutenir et encourager l’initiative de Simon et Thibault, qui favorise la transition vers des modèles d’approvisionnement et de distribution plus durables, et retisse un lien direct entre les consommateurs et les produits de leurs terroirs, riches, divers et parfois atypiques !

En savoir plus sur Atypique, visitez leur site internet.