Fébéo, une boucherie locale et en direct des éleveurs

Bonjour Maxime, peux-tu te présenter et nous parler de l’origine du projet Fébéo ?

Bonjour, avec plaisir.

Je suis fils d’un agriculteur-éleveur du centre de la France. Après avoir étudié dans un cursus ingénieur agronome à Montpellier au sein de la spécialité “Production et élevage en milieux difficiles”, j’ai réalisé mon stage de fin d’études au sein d’une AOC de viande bovine “Le Fin Gras du Mézenc” (basé sur le plateau du Mézenc entre l’Ardèche et la Haute Loire), qui regroupe quatre races de bovins (deux races à viandes et deux races à lait). On désigne par “AOC” une Appellation d’Origine Contrôlée, à savoir un label qui regroupe des produits dont la fabrication est réalisée sur une même zone géographique et selon un savoir-faire particulier et reconnu. L’AOC du “Fin Gras du Mézenc” renvoie à une démarche qualité qui existe depuis 1996 et qui consiste à engraisser lentement les bêtes (rigoureusement triées) avec un foin naturel fauché, selon un savoir-faire local très ancien, dans les prairies d’altitude et issu d’une flore de montagne bien particulière (dans laquelle on peut retrouver des plantes comme le fenouil des Alpes). Vous pouvez retrouver ici le cahier des charges de cette AOC. 

Suite à ce stage et après avoir fait le constat de la faible production animale dans la région de Montpellier, j’ai décidé de lancer un projet de commercialisation de viande de bœuf de Fin Gras du Mézenc auprès des particuliers et des restaurateurs.

Pour cela, j’ai recruté un boucher et des éleveurs sur un cahier des charges qui reprend celui de l’AOC, auquel j’ai ajouté des critères encore plus rigoureux : toute la chaîne de valeur Fébéo se situe sur le même terroir (production, abattage, transformation) et l’abattage se fait dans un des quatre abattoirs autorisés par l’AOC. J’ai ensuite démarché une quinzaine de restaurants et j’ai lancé Fébéo sous le statut d’auto-entrepreneur en 2014.

La "prairie naturelle" permanente (sans labour) fait la caractéristique et la richesse des paysages du Mézenc de 1100m à 1500m d'altitude. (source : Fébéo)

Comment a ensuite évolué l’activité de Fébéo ?

J’ai rapidement été confronté à un problème spécifique à l’AOC du Fin Gras du Mézenc. Ce label se différencie par son caractère historique, il a été construit autour de la tradition du bœuf gras de Pâques (une coutume antérieure à la Révolution et largement répandue dans le Massif central, en particulier en Aubrac) et n’autorise la commercialisation que sur la période février-juin.

Suite à l’immatriculation de la société en 2015, j’ai décidé de diversifier mes gammes et de développer de nouvelles filières à commercialiser durant le reste de l’année : le boeuf Aubrac, le porc plein air, la volaille de Bresse (AOC).

J’ai refusé de m’associer au Label Rouge car ils ne permettent pas de choisir les éleveurs avec qui on veut travailler et obligent à passer par des opérateurs qui bloquent la relation directe entre éleveurs et distributeurs.

 

Quels sont les critères principaux qui définissent votre cahier des charges ?

La règle d’or de Fébéo est d’être en contact direct avec les éleveurs. Je les ai choisis par bouche à oreille, je les connais tous très bien, je suis régulièrement en contact direct avec eux et nous tissons ensemble des relations depuis 7 ans. Par exemple, mon éleveur filière porc est un camarade de promo et mon éleveur bœuf Aubrac est un voisin de mon éleveur Fin Gras du Mézenc.

Au delà des éleveurs, j’ai développé mes nouvelles filières sur un cahier des charges très précis que j’ai moi-même construit : une durée d’élevage minimum pour respecter la devise qui nous est chère “le temps au service du goût”, une production locale (nos éleveurs sont situés à moins de 150km de chez nous), des conditions d’élevage respectueuses de l’animal et de notre santé (en plein air, sans OGM et sans antibiotiques, etc).

Concernant l’abattage, la plupart des abattoirs demandent à ce que les bêtes arrivent la veille mais nous refusons cette démarche et nous réduisons le temps d’attente de l’animal au maximum pour limiter son stress, qui affecte à la fois son bien-être et la qualité de la viande. Nous ne faisons pas appel à un transporteur externe : nos éleveurs, qui manipulent souvent leurs bêtes, assurent leur transfert et maintiennent à chaque fois les mêmes conditions de transport pour les habituer. On perd malheureusement la main une fois que les bêtes arrivent à l’abattoir. On aimerait recourir aux abattoirs mobiles, mais c’est une alternative très chère et qui a bien souvent été abandonnée par manque de viabilité économique.

Pour ce qui est de la transformation, je récupère les carcasses à la sortie de l’abattoir et mon boucher les découpe sur le MIN de Montpellier.

Les boeufs d’un éleveur Aveyronnais du plateau de l’Aubrac, à près de 1000 mètres d'altitude (source : Fébéo)

Quels sont vos canaux de commercialisation ?

Nous avons lancé notre premier point de vente, notre boucherie actuelle, dans le quartier des Beaux-Arts à Montpellier en février 2019.

Nous travaillons avec des restaurants qui réclament des viandes très différentes, il faut avoir de tout.

Nous travaillons également avec des supérettes dont le cahier des charges est cohérent avec nos critères de qualité et d’origine des produits comme le Locavorium de Saint-Jean, qui ne commercialise que des produits provenant de moins de 150 km du magasin à vol d’oiseau, en direct des éleveurs ou en circuit court.

 

Le cahier des charges de Fébéo est-il compatible avec une croissance de la structure qui va exiger de plus grands volumes de production ?

Je me suis effectivement demandé si ce modèle ne tenait pas qu’à un petit nombre d’éleveurs, mais finalement je suis convaincu qu’il est possible d’en recruter de nouveaux selon le même cahier des charges et que la croissance de Fébéo sera vertueuse pour le système global sans impliquer des sacrifices de qualité. C’est d’autant plus vrai que le recrutement d’un seul nouvel éleveur nous permet d’augmenter les volumes de façon significative : on compte une vingtaine de vaches par an par ferme.

Le véritable enjeu pour conserver notre impact et respecter notre philosophie réside dans la transformation. En effet, la demande des restaurants ne correspond pas parfaitement à ce que la nature donne. Notre mission est donc de valoriser les restes du boeuf, de l’agneau, du poulet, du porc, que les restaurants ne consomment pas. Pour cela, nous avons développé nos propres outils de transformation (des locaux de 153 m2) pour la production de cordons bleus, steaks hachés, etc. Nous vendons cette matière transformée dans notre boucherie.

Carré de côte de boeuf d’Aubrac maturé 3 semaines (source : Fébéo)

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez aujourd’hui ?

Le recrutement est un sujet très compliqué : le turnover est assez élevé, on constate que les gens n’envisagent plus des longues carrières dans une même structure. Or, il est difficile de maintenir une bonne relation client avec un turnover élevé. En revanche, nous n’avons pas de mal à recruter nos éleveurs car ils apprécient notre logique de rémunération juste et de transparence.

Une autre difficulté que nous rencontrons est propre à la filière de la viande qui est très opaque : nous devons nous battre avec des concurrents qui mentent sur le fait de travailler en circuit court ou sur la qualité de leurs produits. Chez Fébéo, l’honnêteté et la transparence sont des valeurs fondamentales. C’est un combat quotidien et essentiel de sensibiliser nos clients et de leur expliquer qu’on est parfois obligés de refuser certaines commandes (des volumes trop importants, des produits indisponibles) puisque nous respectons ce que la nature donne à son rythme.

 

Quels sont les projets et ambitions de Fébéo pour les prochaines années ?

Notre objectif est de développer un jour notre propre élevage (de volailles ou de porcs par exemple, car ce sont les espèces les plus simples à élever) pour servir des boucheries et des restaurateurs. L’ambition serait de créer une exploitation circulaire, où l’on produit nos légumes et où l’on élève nos animaux, et au sein de laquelle tout est réutilisé.

Nous aimerions également nous développer davantage sur du bio, chose qu’on ne fait pas aujourd’hui car les éleveurs bio sont généralement moins compétents que les conventionnels.

 

Comment choisissez-vous les restaurateurs avec lesquels vous travaillez ?

Nous ne les choisissons pas vraiment et nous faisons très peu de démarchage, ce sont eux qui viennent nous voir directement. En revanche, l’objectif étant de mieux payer les producteurs et de rendre nos viandes financièrement accessibles aux consommateurs, nous travaillons avec tout type de restaurateurs, des food truck comme des restaurants deux étoiles Michelin (comme la Maison Saint-Crescent à Narbonne). La seule condition est qu’ils comprennent et qu’ils acceptent ce qu’implique de travailler en circuit court (supporter des périodes de commandes plus longues qu’en circuit traditionnel pour respecter le rythme des éleveurs par exemple). Nous comptons 3 à 4 nouveaux restaurants par trimestre et l’objectif est de continuer à se développer. Tous nos restaurants sont situés dans la région, dans un rayon de 100km, à l’exception de deux restaurants à Paris et d’un restaurant à Tours (voir la carte des restaurants partenaires de Fébéo).

Raviole de Cochon Noir de la Maison Saint Crescent, table de Lionel Giraud (deux étoiles Michelin), client de Fébéo (source : Fébéo)

Êtes-vous optimiste quant à l’évolution de la filière vers des modèles plus durables ?

Je pense que des modèles très intéressants émergent et qu’il est essentiel d’accompagner les initiatives circuits courts. Toutefois, ces nouveaux modèles fonctionnent bien sur des petits volumes, mais on a besoin d’un certain niveau de production pour se rémunérer et gagner sa vie. Dès lors, on n’est plus paysan, on devient chef d’entreprise ; travailler en circuit court implique de faire beaucoup de choses en même temps et ce n’est pas donné à tout le monde. Et même s’il existe une vraie volonté d’évoluer vers ces modèles durables, il faut se méfier de ceux qui en abusent.

L’avis de FoodBiome

Fébéo développe auprès des particuliers comme des professionnels une offre de viande en direct des producteurs et favorise une consommation plus respectueuse de l’environnement, du bien-être de l’animal et des éleveurs.

Fébéo suit les mêmes ambitions que celles des projets FoodBiome, celles de restructurer les circuits courts alimentaires et de revaloriser les productions d’un territoire, sur une filière où les initiatives émergent plus difficilement.

Pour en savoir plus sur Fébéo, n’hésitez pas à vous rendre sur leur site internet.

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