Mûre, de leur champ à votre assiette

5h30 du matin, 6 rue Saint Marc à Paris. Une camionnette est déchargée devant le petit restaurant de quartier « Mûre ». Des cageots de fruits et légumes sont transférés dans la cuisine où Kalilou, le chef, et son équipe sont déjà en train de s’affairer.

7h00, le mixer est en marche, Maël prépare les jus pour la journée : pomme-kale-citron, orange-carotte-gingembre, bissap… c’est bientôt l’heure du petit déjeuner et les premiers clients arrivent pour une pause gourmande. Ils savent qu’ici tout est fait maison. 

12h30, l’habituelle file d’attente s’allonge dans la rue Saint Marc, on patiente volontiers pour déjeuner chez Mûre et faire partie des 300 repas servis par jour. Ici, on mange bio, sain et à petit prix. Toute l’équipe vous accueille avec un sourire et une jovialité sans pareil, malgré la cadence à tenir pour servir tout le monde en peu de temps. Les cuisiniers viennent prêter main forte au service et les clients défilent avec, pour nombre d’entre eux, leur tupperware à emporter, car ici le zéro déchet est de mise. 

Derrière la caisse, on trouve Arnaud Dalibot, 45 ans, qui est à l’origine du projet. En 2012, il quitte LVMH pour monter un concept qui lui tient à cœur : un restaurant ayant sa propre ferme. Le jeune entrepreneur ouvre alors son restaurant de 70 m2 au cœur du Sentier. Il y propose des recettes variées, savoureuses et créatives : tatin d’endives et de potimarron au chèvre, miel et romarin, pizza aux épinards, chèvre et noisettes, soupe de brocolis, pois cassés et menthe… Avec un plat et une pizza du jour, cinq salades diversifiées, des gaspachos frais l’été et des soupes chaudes l’hiver, sans oublier la grande variété de desserts maison, Mûre nourrit copieusement ses adeptes pour 12€ (entrée + plat) ou 15,20€ (entrée + plat + dessert). Ces recettes, Arnaud en fera un recueil « La cuisine des gens qui sèment » (éditions Alternatives, 2019), dans lequel il décrit aussi la genèse du projet et donne des conseils de culture.

14h00, les présentoirs sont vides, les rares dernières portions sont emportées via TooGooToGo : les quantités sont millimétrées pour éviter tout gaspillage.

16h00, le restaurant ferme ses portes, il ne sert pas le soir. Chaque jeudi à cette heure-ci, Arnaud prend le train direction Presle-en-Brie en Seine-et-Marne, où il passera la moitié de la semaine : dans la ferme Mûre.

En effet, le secret de la réussite du restaurant réside en grande partie dans les 3 hectares (dont 1.5 sont cultivés à ce jour) de la ferme Mûre. Construite en 2017, on y trouve des cultures de plein champ, deux serres, deux ânes, un poulailler de 60 poules, une cabane dans les arbres et une yourte ou vit Marie Kimmerlin, la cheffe de culture qui pilote la production (bio certifiée) d’une main de maître. Tout cela, exclusivement dédié au restaurant.

Un bâtiment écologique, une pépinière, une chambre froide et une cuisine professionnelle : tout est pensé pour approvisionner la rue Saint Marc, 2 fois par semaine. C’est d’ailleurs à la ferme que l’on décide ce qui sera servi aux clients. Toutes les semaines, les recettes sont fixées en fonction de ce que Marie prévoit de récolter dans ses rangs. « La contrainte est source de créativité » selon Arnaud, qui doit régulièrement jongler avec des surplus ou des retards de récoltes. 

Au mois de décembre, Marie et Arnaud établissent un plan de cultures pour l’année à venir, qui rythmera les jours de semis, de plantation, de récolte pour chaque variété. Blettes, courges, fenouil, rhubarbe, chou pakchoï, moutarde, ce sont plus de 140 variétés qui sont cultivées toute l’année, sous serre ou en plein champ. Le restaurant s’approvisionne désormais à 75% en légumes auprès de la ferme (exception faite des pommes de terre) pour les 100 à 150kg de fruits et légumes cuisinés chaque jour ! Ces légumes sont ramassés et mis en caisses deux après-midis par semaine pour être livrés le lendemain matin aux aurores au restaurant qui servira toujours de l’ultra frais. La camionnette retourne à la ferme avec les caisses vides de la livraison précédente, et les déchets organiques (épluchures et restes) qui seront transformés en compost pour les cultures suivantes.  Ainsi fonctionne la boucle de ce que décrit Arnaud : « un écosystème humain, social et alimentaire ».

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