Entretien avec Benjamin Péri, cofondateur de Pyxo.
Bonjour Benjamin, peux-tu nous présenter le concept de Pyxo ?
Nous fournissons aux restaurateurs une solution logicielle pour leur permettre de proposer des contenants réutilisables plutôt que jetables pour la vente à emporter. Comment cela marche-t-il concrètement ? La première fois qu’il utilise un contenant réutilisable, le client doit télécharger l’application Pyxo et s’inscrire. Puis, il scanne un QR-Code apposé sur le contenant, qui est alors lié à son compte utilisateur.
Chaque contenant est équipé d’une puce RFID nous permettant de le suivre tout au long de son cycle de vie. Combien de fois a-t-il servi ? Qui l’a utilisé pour la dernière fois ? A quelle date ? C’est un moyen formidable pour digitaliser la consigne. Par exemple, lorsqu’un utilisateur prend un contenant Pyxo, une consigne est prélevée sur son compte grâce à l’application. Puis, s’il le ramène, alors la consigne lui est rétribuée. Il peut suivre dans son application le nombre de contenants utilisés, la date limite à laquelle il doit les ramener, le montant de consigne.
Le restaurateur lui est équipé d’une solution back-office qui lui permet de suivre l’utilisation de son parc. Combien de contenants ont été pris ? Combien ont été ramenés ? Quel est le taux de retour ? Qui sont les utilisateurs les plus fréquents de la solution ?
Nous ne réalisons pas la collecte, ni le lavage et le retour des contenants sales nous-mêmes. Nous nous sommes intégrés avec des laveurs déjà établis qui ont cette compétence.
Quels sont les premiers résultats que vous avez observé ?
Les taux de retour (% de contenants en circulation ramenés au restaurant) des contenants sont très variables, cela va de 50% à 98%. Il y a de nombreux paramètres qui influencent ces chiffres, tels que le quartier, la ville, le type de restaurant, ou encore la population affiliée. Par exemple, nous avons des mauvais taux de retour dans les universités. Il est fort probable que les étudiants gardent ensuite les contenants pour leur usage personnel.
C’est ce qui nous fait dire que le taux de retour n’est pas nécessairement la bonne métrique à suivre. Une personne qui garde un contenant pour son propre usage, va s’en servir pour remplacer du jetable dans sa vie de tous les jours. Il nous semble donc plus intéressant de regarder le taux d’usage, c’est-à-dire le pourcentage des ventes à emporter faites avec un contenant réutilisable.
Nous avons également observé des effets très bénéfiques sur l’image de marque des restaurants ayant déployé des solutions de réemploi.
Quels sont les freins que vous avez constaté à un usage plus large du réemploi ?
Il y a 2 freins à lever principalement. Le premier est au niveau du client final, quand il a le choix de commander à emporter dans un contenant réutilisable ou jetable. Il s’agit de développer des nouveaux réflexes, des nouvelles habitudes. Le deuxième frein est la conduite du changement pour les opérateurs dans les restaurants que nous devons accompagner pour se familiariser avec le ré-emploi. C’est d’ailleurs tout l’objet de notre Pyx’Academy, une plateforme de formation en ligne.
Où en êtes-vous de votre développement commercial, et quelles sont les cibles clients prioritaires ?
Nous sommes en train de déployer notre solution dans 200 restaurants McDonald’s partout en France (sur environ 1500 restaurants en France), et également de signer avec d’autres grandes chaînes de restauration (confidentielles pour le moment). Nous avons également lancé un prototype avec les boulangeries Ange, ce qui nous ouvre de belles perspectives car ils regroupent 200 points de vente.
Signer des chaînes de restauration est clé dans notre développement, car cela nous permet de toucher rapidement un grand nombre de points de vente pour les équiper de notre solution. Dans ce même objectif, nous développons des partenariats avec les sociétés de restauration collective. Post-Covid, la restauration d’entreprise doit se réinventer pour développer des formats plus petits et plus adaptés au télétravail. On a vu notamment naître des solutions telles que PopChef ou Foodles qui proposent des plats à emporter dans des frigos connectés. Ce type de solution pourrait demain par exemple être équipé de Pyxo.
Puis, nous sommes en train d’explorer des usages du ré-emploi en dehors de la simple restauration à emporter. Par exemple, les grandes surfaces avec leurs espaces traiteurs sont confrontées aux mêmes sujets. Il y a des flux de produits alimentaires dans des contenants aujourd’hui jetables. Peut-on remplacer ces contenants jetables par du consigné ? Les événements sportifs souhaitent aussi intégrer des solutions telles que la nôtre. Nous avons à ce sujet plusieurs projets en cours avec une perspective pour les JO 2024.
Enfin, pour accompagner le développement du ré-emploi, nous échangeons avec des collectivités pour réfléchir à des logiques de points de collecte des contenants sur la voie publique, ou encore sur du financement d’accès à ces contenants. Les projets ne manquent pas, et nous sommes convaincus que le ré-emploi va se développer à grande échelle !
Quelles sont vos priorités pour les prochains mois ?
La clôture de notre levée de fonds de 7 m€ fin d’année dernière, nous a donné les moyens de développer de nouveaux projets, et de staffer l’équipe à une trentaine de personnes aujourd’hui. Nous avons en particulier 2 projets prioritaires.
Le premier concerne le développement d’une offre plug-and-play pour les restaurateurs indépendants. Notre enjeu est de pouvoir répondre aux multiples sollicitations entrantes des restaurateurs avec une offre self-service, le Kit Réemploi Facile. Ce kit est composé des quelques contenants équipés de puces RFID pour démarrer, dans une gamme volontairement réduite au début pour se faire la main. Nous y ajoutons également un peu de PLV pour communiquer dans le restaurant, ainsi que les supports de QR-Code pour télécharger l’application. Les 3 premiers mois sont à prix réduits, puis à 5 c€ par utilisation de contenant. Contrairement aux chaînes de restauration où le lavage est réalisé par un prestataire, ici le lavage est fait dans les cuisines du restaurant pour plus de simplicité.
Notre deuxième projet prioritaire est le Parcours de confiance. L’objectif est de permettre à n’importe qui de prendre un contenant Pyxo, sans nécessité de passer par l’application Pyxo, avec seulement un numéro de téléphone pour identifiant. Si le contenant n’est pas ramené au bout d’une certaine période, nous envoyons un SMS pour proposer au client de le racheter pour un prix modique. Puis finalement, si le client n’achète pas le contenant, alors le numéro de téléphone qu’il a donné pour s’inscrire est exclu du système. C’est assez unique et nouveau dans le monde du ré-emploi. Le but est de véritablement développer une relation de confiance avec les clients. Ce parcours sort en septembre.
Il y a encore beaucoup à faire, et les idées ne manquent pas !
L’avis de FoodBiome
Nous passons collectivement de moins en moins de temps en cuisine (71 minutes en 1985 à 61 minutes en 2010 puis à 22 minutes en 2017) et mangeons de plus en plus d’aliments prêts-à-manger. Par conséquent, l’offre alimentaire se traiteurise, et la vente à emporter explose sous l’impulsion de plateformes comme UberEats ou Deliveroo. Cela a comme effet rebond un développement croissant des emballages. Dans le monde, 50 à 88% de la pollution aux plastiques des milieux aquatiques serait due à la restauration à emporter selon une étude publiée dans Nature Sustainability. Pyxo s’attaque donc à un problème critique et croissant.
Le réutilisable se développera massivement s’il est aussi simple à utiliser que le jetable, ce qui implique de :
- multiplier au maximum les occasions d’usages pour faire rentrer le réemploi dans les habitudes de consommation, ce que Pyxo fait en développant des partenariats avec la grande distribution, les collectivités, le monde du sport, la restauration collective, la restauration indépendante ;
- simplifier le plus possible le parcours d’entrée pour attirer un plus grand nombre d’utilisateur au sein du système, c’est l’enjeu du Parcours de Confiance
- accompagner les évolutions de pratiques dans les points de vente, pour former les opérateurs à développer le réflexe ré-emploi
Pyxo est donc sur une belle trajectoire de développement, il ne reste plus qu’à convaincre le plus grand nombre de passer au ré-emploi.
