Rencontre avec 3 projets de pôle agro-alimentaires de proximité en Belgique

Lors d’une virée en Belgique, FoodBiome est parti à la rencontre de 3 projets en Belgique visant à développer des filières alimentaires de territoire, à Namur, Liège et Charleroi. Ces projets témoignent d’une dynamique régionale forte autour des circuits de proximité, que nous avons trouvé inspirante pour nos PAT en France. Nous vous proposons de vous en donner un petit aperçu :

  1. La Fabrique Circuit Court de Paysans Artisans à Namur
  2. La Ceinture Aliment-Terre Liégeoise
  3. La Ceinture Alimentaire de Charleroi

La Fabrique Circuit Court, un pôle de transformation de proximité et un réseau de distribution de produits locaux

Paysans-Artisans démarre en 2013 à Floreffe avec la volonté de commercialiser les produits des petits producteurs de la région. Il y avait au départ une vingtaine de producteurs sur un schéma de vente en ligne uniquement. 10 ans plus tard, Paysans-Artisans a développé un double modèle. Premièrement de la vente aux particuliers dans 8 points de vente, 18 points de dépôts dans 10 communes. Dans chaque point de dépôts, des bénévoles organisent la distribution. Deuxièmement, de la vente à des professionnels, notamment les magasins à la ferme et la restauration collective. Certains des magasins à la ferme se sont tellement développés qu’ils font parfois plus de CA que les propres magasins de Paysans-Artisans.

Au-delà d’être un circuit de commercialisation, Paysans Artisans porte un véritable projet politique adossé à des valeurs fortes de convivialité, de collectif et de solidarité. Leur combat : réussir à associer l’action économique et culturelle. Ils assument par exemple le fait de ne pas livrer les courses à la maison, pour favoriser la rencontre entre les individus, la création de lien social, et ainsi lutter contre l’individualisme grandissant de la société. Ils mènent également des actions de sensibilisation et d’appui aux producteurs. Paysans Artisans est financé par des fonds publics, ainsi que de l’épargne citoyenne grâce à Paysans-Artisans Invest.

Puis, un autre projet est né : la Fabrique Circuit-Court. Suite à la fermeture de l’abattoir local, les producteurs n’avaient plus de solutions pour faire abattre leurs bêtes. L’idée a alors germé de développer sur un même site plusieurs activités de transformation, avec le soutien financier de la Région wallonne. Ce pôle agroalimentaire de proximité regroupe aujourd’hui 9 entreprises dont :

  1. Un abattoir de volailles, administré par les éleveurs
  2. Une bocalerie
  3. Une légumerie travaillant pour la bocalerie principalement pour le moment
  4. Un atelier de découpe de viande
  5. Un glacier
  6. Une miellerie
  7. Un traiteur
  8. Un presseur de jus de fruits
  9. La coopérative Éthiquable

Les salariés sont mutualisés entre certaines de ces activités au sein d’un groupement d’employeur. Cela permet de proposer des CDI tout en lissant les effets de saisonnalité propres à chacune des activités, et de varier les tâches effectuées pour les salariés du groupement.

L’ensemble des activités sont regroupées sous une entreprise faîtière, la Fabrique Circuit Court qui gère les communs (bâtiments, parking, voirie, fluides, etc.). La faîtière a un droit de regard sur les activités du pôle en cas de revente par l’un des membres de son entreprise, pour garantir le respect de la vocation initiale du projet.

Pour aller plus loin, la Fabrique Circuit Court porte un projet de hub logistique au service des circuits de proximité. Ce hub s’inscrit dans une stratégie de maillage logistique régional organisé par la Région wallonne (création de 3 hubs au total à Namur, Liège et Charleroi).

La Ceinture Aliment-Terre Liégoise

La Ceinture Aliment-Terre Liégoise est née en 2013 sur la base d’une initiative citoyenne, et participe d’une stratégie de création de ceintures alimentaires dans 5 villes en Wallonie à Liège (la première), Vervier, Namur, Charleroi, Tournai. Au coeur de son action, 6 grands chantiers sont mis en oeuvre avec comme objectif que d’ici une génération, l’alimentation liégoise soit majoritairement issue du local et/ou du circuit-court :

  1. Créer les chaînons manquants : par exemple, soutien à la création de 25 coopératives citoyennes (voir ici) sur de la distribution de produits locaux
  2. Faciliter l’accès au foncier : installation en 10 ans d’une centaine de maraîchers sur petite surface autour de Liège, dans un modèle type AMAP 
  3. Mobiliser les acteurs publics :
    1. création d’un Conseil de Politique Alimentaire (120 membres) de Liège Métropole fin 2022 pour intensifier et rendre plus inclusive la transition alimentaire
    2. Adoption d’une politique d’achats durables pour la cuisine centrale fabricant 11 000 repas / jour pour les hôpitaux, crèches, écoles, maisons de retraite
  4. Mettre à disposition des capacités logistiques : développement du chaînon manquant sur la logistique sur le Marché Matinal de Liège (équivalent belge d’un MIN) dans un bâtiment de 1700 m2
  5. Accompagner le lancement de nouvelles activités : initiative Potage Collation, un potage gratuit financé par la région pour 5000 élèves bénéficiaires issus de milieux défavorisés.
  6. Sensibiliser et impliquer les citoyens sur les enjeux alimentaires : création d’un festival “Nourrir Liège”

La Ceinture Aliment-Terre est membre du Collectif 5C (voir ci-dessous) qui regroupe une quarantaine de coopératives dédiées aux circuits de proximité

Ceinture Aliment Terre

Enfin, la Ceinture Aliment-Terre a également pour projet de développer une légumerie / conserverie dont le dimensionnement est en cours de réalisation.

Locaux Aliment Terre
Visite des locaux de la Ceinture Aliment-Terre

La Ceinture Alimentaire Charleroi Métropole 

Dernière née, la Ceinture Alimentaire Charleroi Métropole (CACM), a vu le jour en 2017 à l’initiative d’un groupe coopératif de l’économie sociale et solidaire, SAW-B. La CACM fait un travail d’animation et de coordination des projets dans le domaine des circuits courts, entre les producteurs et les consommateurs et les différents acteurs des filières (transformateurs, distributeurs).

Par exemple, un maillon manquant sur la logistique avait été identifié, qui a mené à la création d’une plateforme logistique, CirculaCoop. CirculaCoop est une société coopérative en charge de l’approvisionnement local majoritairement bio de la restauration collective et commerciale et du retail.

Ceinture alimentaire
Source : https://www.ceinturealimentaire.be/distributeur

En complément de la CACM, Charleroi porte la stratégie Food.C visant à fédérer et coordonner la galaxie d’initiatives et d’acteurs locaux, provinciaux et régionaux autour de projets concrets et structurants.

Food.C
Extrait de la présentation de la stratégie Food.C visible ici : https://food-c.charleroi-metropole.be/strategie-et-gouvernance

Plusieurs projets ont été identifiés dans le cadre de Food.C, comme par exemple :

  • Le renforcement de l’accompagnement des producteurs;
  • La mise en place d’outils logistiques et de transformation: hubs logistiques, légumeries, conserveries, petits abattoirs…;
  • La mise en place d’une cuisine centrale de collectivités pour la métropole (25.000 repas/jour) à l’horizon 2025;
  • La mise en place de lieux dédiés à l’entrepreneuriat et à la sensibilisation des citoyens (la Marmite);
  • Le développement et le renforcement des fonctions transversales de support (sensibilisation, formations, recherche, accompagnement, financement…).

L’avis de FoodBiome

La Wallonie est très active dans le soutien au développement des circuits-courts par le biais de son agence de développement économique. Cette stratégie de soutien s’inscrit dans le cadre du Plan de Relance Wallon (PRW) post-covid et du Plan National pour la Reprise et la Résilience (PNRR – fonds européens). Le gouvernement wallon adopte une approche résolument orientée infrastructures de territoire, chère à la thèse de FoodBiome. On y retrouve par exemple :

  1. La création de 3 hubs logistiques de proximité à Namur, Liège et Charleroi, dédiés aux activités de grossiste, de stockage, de transformation, et de distribution
  2. La mise à disposition d’un Centre de référence en circuits courts alimentaires pour aider les acteurs des circuits courts à financer et développer leur projet
  3. Le soutien à des Halls relais agricoles (HRA) ayant pour objectif d’encourager les organisations de producteurs et la création de structures collectives afin de diminuer les coûts de production et de distribution

Ces infrastructures permettent de soutenir l’émergence entrepreneuriale autour des circuits de proximité. Nous avons la conviction que cette approche est la bonne puisqu’elle permet de soutenir des projets par nature fragile sans chercher à se substituer aux opérateurs économiques, avec une approche très concrète et terrain.

En France, la dynamique des Projets Alimentaires de Territoire (400+ PAT actifs) pourrait s’inspirer de la démarche wallonne pour améliorer son efficacité :

  1. Penser la stratégie alimentaire à l’échelle régionale, et donc mettre en oeuvre des coopérations inter-PAT permettant de sortir de la logique du PAT limité au code postal
    1. Le corollaire : doter les régions de moyens d’animation et d’organisation des filières alimentaires de territoire pour garantir la coopération à la bonne échelle
  2. Soutenir le développement d’infrastructures nécessaires au développement des circuits de proximité (ex : hubs logistiques, outils de transformation) avec un objectif de ré-implantation des filières de production déficitaires à l’échelle nationale (ex : maraîchage, petit élevage)

Cependant, même en Wallonie, ces initiatives sont encore positionnées comme des alternatives au modèle mass-market dominant. Pour véritablement changer d’échelle, il est indispensable dans le futur de travailler à des trajectoires de réconciliation entre les visions pour éviter d’aboutir à un système binaire : d’un côté les filières longues et massifiées, de l’autre les filières courtes. Qu’elles soient françaises, belges, ou d’ailleurs, ces initiatives doivent devenir des leviers de changement du modèle massifié vers un modèle hybride (=massifié sur certains produits, local sur d’autres), pour répondre aux attentes croissantes de la société d’une alimentation plus durable.

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