Les coopératives agricoles, architectes des nouveaux circuits de proximité ?

Durant un demi-siècle, les coopératives agricoles ont accompagné le développement d’une alimentation abondante et accessible, stimulée par des énergies fossiles à bas coûts (chimie de synthèse, transports mondialisés…), les innovations génétiques et le marketing de masse agro-industriel. Les règles absolues de la performance étaient LA STANDARDISATION et LA MASSIFICATION de l’offre et des process. Comme l’agro-industrie et la distribution, les coopératives n’ont cessé de fusionner pour créer des groupes toujours plus impressionnants, souvent présents dans les industries alimentaires avals (les coopératives représentent 40% du chiffre d’affaire de l’agro-alimentaire) et maximisant la mutualisation des coûts d’achats (intrants chimiques et machines-outils).
GRANDIR pour peser face aux géants de la chimie…. GRANDIR pour peser sur les marchés mondiaux des matières premières… GRANDIR pour peser face aux géants de l’agroalimentaire ou de la grande distribution…

 
POURQUOI la relocalisation des filières alimentaires (donc leur démassification…) constituerait-elle une opportunité pour les coopératives agricoles ?

Nous identifions 4 bonnes raisons…

1. Parce que ces nouvelles chaînes alimentaires de territoire vont se développer de façon exponentielle, sous la pression…
…des consommateurs – toutes les enquêtes d’opinion le soulignent, les consommateurs plébiscitent les achats locaux; ainsi, 77% des consommateurs en font un critère prioritaire de choix vs 26% pour le Bio (IRI Shopper – Q4 2020) et 43% se disent prêts à payer 10 à 15% plus cher (Food 360 Kantar 2020).
…des collectivités – sous l’impulsion du tissu associatif, des exigences de la loi EGALIM en restauration collective et du plan de relance (enveloppe de 80m€ dédiée), le nombre de Projets Alimentaires Territoriaux explose: 348 PAT en décembre 2021 (vs 197 en décembre 2020).
…des entrepreneurs – dans le sillage de La Ruche Qui dit Oui qui a lancé ce mouvement dès 2011, on compte désormais des dizaines de start-ups se positionnant sur les circuits-courts (chez FoodBiome, nous en suivons actuellement 190 dans notre base). Si nous devions ajouter la multiplication des initiatives entrepreneuriales locales de magasins de producteurs, de vente à la ferme, de marchés éphémères, de distributeurs automatiques de produits fermiers, ce sont quelques centaines de points de distribution dans chaque département et quelques dizaines de milliers en France qui se sont créés en quelques années.
 
2. Pour accompagner la diversification des cultures. 
Il ne fait plus de doute que toute transition vers une agriculture moins dépendante à la chimie et plus résiliente aux aléas climatique suppose une biodiversité maximale qui stimule l’auto-fertilité et l’équilibre du système. La question de la diversification des cultures apparaît dans ce cadre un levier agronomique déterminant : une plus grande variété de rotations dans les parcelles, de l’élevage extensif et des prairies tournantes, des couverts végétaux à base de légumineuses, des ateliers complémentaires (ruches, volailles, maraîchage…). Cette dynamique est engagée et va s’amplifier; elle implique le développement d’une multitude de petites productions diversifiées aux côtés des grandes filières et la réintroduction de variétés anciennes. 
 
3. Pour renforcer le modèle économique de la coopérative. 
Le modèle économique historique des coopératives est sous tension; la marge dégagée sur la vente de produits aux agriculteurs se réduit (baisse de consommation de produits phyto, choix entre “vente” et conseil”, développement de solutions de e-procurement via le digital…), des filières de collecte privées se structurent et les activités à l’export souffrent régulièrement d’un manque de compétitivité à l’international, exposées aux aléas des cours mondiaux. L’importance d’identifier de nouvelles sources de revenus devient critique pour les coopératives or de plus en plus d’agriculteurs sont dans l’attente de nouveaux services pour faciliter la valorisation de leur production en proximité.
 
4. Pour revitaliser l’esprit coopératif et engager les jeunes générations.
Une crise de gouvernance s’exprime dans bien des coopératives. De jeunes agriculteurs, ne se sentent plus représentés et sortent du modèle coopératif pour entreprendre des projets alternatifs: développement de la vente directe, transformation à la ferme, filières privées, agri-énergie, bioéconomie… A ces entrepreneurs s’ajoutent des entreprises plus structurés soutenues par des fonds d’investissement : par exemple Atlanterra qui vise à réimplanter en France 5 filières stratégiques, les initiatives d’Arnaud Montebourg dans le lait (Glaces La Mémère), le miel (Bleu Blanc Ruche) et les amandes (La Compagnie des Amandes) ou encore les réseaux Fabaé et Fermes en Vie.

Certes, le modèle massifié ne va pas s’effondrer brutalement. Toutefois, il semble désormais probable (souhaitable…) que l’essentiel de la croissance de la consommation alimentaire viendra d’un modèle alternatif distribué et reterritorialisé. La demande dépasse d’ors et déjà l’offre ce qui rend nécessaire le développement de véritables infrastructures alimentaires permettant de relever 4 défis (voir notre édito du mois de novembre…).
COMMENT les coopératives agricoles pourraient-elles saisir cette opportunité ? 
En bâtissant les nouvelles infrastructures alimentaires de proximité, les coopératives agricoles proposeront de nouveaux services à forte valeur ajoutée à leurs adhérents. Nous identifions 3 principaux leviers :
1. Les unités de première transformation de proximité 

Le développement des circuits-courts trouve sa principale limite dans le maillage insuffisant d’ateliers de transformation. Les outils massifiés n’ont pas la souplesse de gérer de petits lots diversifiés et la transformation à la ferme ou artisanale ne sont pas suffisamment compétitives pour s’adresser à la restauration collective et au plus grand nombre. L’enjeu est de développer un réseau d’ateliers de taille moyenne capable de valoriser un large spectre de productions sur un bassin de consommation donné. L’efficience ne doit pas s’apprécier à l’échelle de chaque unité mais à l’échelle du réseau, mutualisant certains achats, outils et expertise. Il s’agit de développer une véritable chaîne alimentaire 4.0. Ainsi la coopérative Bio d’IDF a développé une unité de transformation de fruits & légumes d’une capacité de 4.000 tonnes à Combs la Ville et le réseau Manger Bio envisage un essaimage de cette initiative sur d’autres territoires. FoodBiome® a par ailleurs engagé des projets de cette nature avec plusieurs coopératives et chambres d’agriculture.

2. Les hubs logistiques de proximité – la très forte fragmentation des flux liée au développement des circuit-court fait bondir la part des coûts de transport qui représentent fréquemment de 20 à 50% du coût des produits. Pour les restaurateurs ou détaillants, le développement des circuits-courts est aussi extrêmement générateur de complexité et de temps de travail. Il est donc essentiel de pouvoir consolider les flux de collecte et de distribution pour maîtriser les coûts logistiques et la complexité administrative. Le développement de ces logistiques de proximité permet également d’intégrer une supply-chain circulaire qui récupère et reconditionne les emballages et valorise les invendus de certains réseaux. Certaines initiatives pionnières méritent d’être soulignées comme le projet “ Sur le Champs” de la chambre d’agriculture d’Eure-et-Loir et la coopérative SCAEL ou l’initiative de la chambre d’agriculture du Loiret avec la startup “Le chemin des mûres” mais nul doute que nous sommes à l’aube d’initiatives de plus grandes ampleur comme c’est le cas avec le projet Agoralim visant à implanter un MIN circuit-court au nord de l’Ile de France.

2. Les hubs logistiques de proximité 

La très forte fragmentation des flux liée au développement des circuit-court fait bondir la part des coûts de transport qui représentent fréquemment de 20 à 50% du coût des produits. Pour les restaurateurs ou détaillants, le développement des circuits-courts est aussi extrêmement générateur de complexité et de temps de travail. Il est donc essentiel de pouvoir consolider les flux de collecte et de distribution pour maîtriser les coûts logistiques et la complexité administrative. Le développement de ces logistiques de proximité permet également d’intégrer une supply-chain circulaire qui récupère et reconditionne les emballages et valorise les invendus de certains réseaux. Certaines initiatives pionnières méritent d’être soulignées comme le projet “ Sur le Champs” de la chambre d’agriculture d’Eure-et-Loir et la coopérative SCAEL ou l’initiative de la chambre d’agriculture du Loiret avec la startup “Le chemin des mûres” mais nul doute que nous sommes à l’aube d’initiatives de plus grandes ampleur comme c’est le cas avec le projet Agoralim visant à implanter un MIN circuit-court au nord de l’Ile de France.

3. La distribution de produits agricoles locaux en omnicanal

De nombreux modèles se sont développés à l’initiative d’agriculteurs, d’entrepreneurs et bien-sûr  de coopératives (par exemple La table des producteurs d’Euralis, Prise Directe d’AdVitam ou encore Marché Occitan d’Artéris). Pour rentabiliser ces modèles, souvent fragiles, il nous semble essentiel de développer 2 leviers: implanter des laboratoires traiteurs pour développer une gamme “prête à cuisiner/manger” (c’est le cas de Minjat! à Toulouse, ou encore La Récolte ou Miyam à Paris) et développer un véritable panel de services en omnicanal pour s’adapter aux nouveaux usages (paniers sur abonnements, livraison ou click & collect, distributeurs relais…) comme le propose Chez Julienne en région parisienne.

Ces 3 types d’infrastructures ne doivent pas s’envisager isolément mais au sein d’un véritable maillage du territoire, offrant de multiples synergies et permettant de développer une suite de solutions variées au bénéfice des agriculteurs.
Dans le cadre de notre accompagnement des coopératives agricoles, nous veillons par ailleurs à respecter un certain nombre de facteurs déterminants dans la réussite de ces projets :

  • INNOVER – tant sur les plans techniques, culinaires, packaging que sur le marketing;
  • CRÉER DES LIENS – entre agriculteurs, leurs clients et les consommateurs;
  • NE RIEN GÂCHER – en synchronisant les flux tout au long de la chaîne alimentaire;
  • IMPLIQUER – les agriculteurs, les collectivités et les clients du territoire dans les projets;
  • MUTUALISER – les outils et les expertises au sein de réseaux inter-connectés;

Il ne fait aucun doute que les coopératives agricoles ont un rôle à jouer dans la construction de ces nouvelles chaines alimentaires de proximité… et c’est l’une des priorités de FoodBiome®  que de les accompagner dans cette voie.

Il s’agit d’une opportunité historique de replacer les agriculteurs au coeur de la chaine de valeur !