Fairme, la transformation laitière autonome directement à la ferme

Bonjour Nathan, peux-tu te présenter et nous parler de l’origine du projet Fairme ?

Bonjour, avec plaisir. Je m’appelle Nathan Freret, je suis Head of Business and Operations chez Fairme.

Fairme est une startup créée en septembre 2020 par Loïc Lecerf, docteur en Intelligence Artificielle de l’université de la Sorbonne et fondateur de 2 entreprises dont une spécialisée dans l’IA et la conduite autonome Le projet a été lancé à Grenoble, une zone très tournée vers le secteur industriel qui donne accès à un tissu de PME et TPE dense et dynamique.

Nous nous sommes fixé comme objectif la réconciliation du consommateur avec le local et nous sommes partis d’une double problématique. D’une part, les éleveurs sont contraints d’exercer trois voire quatre métiers à la fois : l’élevage, la transformation des produits, la vente et à cela s’ajoute parfois un projet de diversification de leur exploitation ; les deux dernières activités ne correspondent en aucun cas à leur cœur de métier. De plus, dans ces conditions, les éleveurs se voient dans l’incapacité de bien faire leur travail : la majorité de leur temps étant consacrée à l’élevage, ils sont dans l’impossibilité de proposer leurs produits à la vente sur une large plage horaire, ce qui limite la propension des consommateurs à se tourner vers les produits fermiers.

Fairme propose donc une solution technologique qui permet d’automatiser la transformation et la vente sur le site de l’éleveur. Cet atelier de transformation laitière entièrement autonome, branché directement sur la salle de traite de la ferme, transforme le lait encore chaud en une large gamme de produits laitiers à la demande du consommateur, qui peuvent être livrés ou achetés et récupérés sur place. Ainsi, Fairme supprime la nécessité de l’intervention humaine sur les étapes de nettoyage, transformation et de vente et permet aux éleveurs de rester concentrés sur leur cœur de métier sans pour autant abandonner ces étapes de leur activité. La consommation de produits locaux devient également largement plus accessible.

vaches
Source : site internet de Fairme

Quels types de produits proposez-vous et où peut-on les trouver ?

Nous avons une large gamme de produits : des yaourts, de la crème, des glaces, des fromages (blancs, frais, à pâte dure, à raclette), des kéfirs, des laits fermentés, etc.

Du côté de la vente aux consommateurs, nous proposons trois options : de la vente directe à la ferme via des machines automatiques, un drive fermier (commande en ligne et récupération sur place) et de la livraison. Du côté B2B, nous visons la restauration collective notamment scolaire, et nous avons pour projet de répondre à des appels d’offres dès le mois de septembre.

Quels sont les avantages liés à l’utilisation d’une technologie dans la production de produits laitiers ?

La technologie Fairme apporte une expertise et une automatisation sur la transformation fromagère. En effet, elle requiert de nombreuses tâches manuelles et chronophages (mesure du pH et d’autres indicateurs par exemple) et l’automatisation de ces tâches permet d’assurer un niveau de qualité sûr des produits. Notre technologie permet même de reproduire exactement les mêmes mouvements que des gestes manuels, comme le moulage à la louche spécifique à la fabrication de certains fromages.

Nous gagnons également en qualité des produits car nous utilisons des petites cuves de 15 à 20 litres que nous testons à chaque fois, alors que les fermiers traditionnels utilisent plutôt des cuves de 200 litres qui rendent impossible ou moins rigoureux un tel contrôle qualité. Ainsi, au fur et à mesure de l’expérience que nous accumulons, nous définissons des critères de qualité plus précis et nous adaptons les process en fonction.

En transformant directement le lait à chaud, Fairme permet de retrouver le vrai goût des produits laitiers. Il diffère de celui de l’industrie, qui transforme le lait en moyenne 3 jours après la traite de la vache. La transformation à chaud qui permet de conserver des qualités organoleptiques qui subissent des pertes en cas de refroidissement du lait.

yaourt fermier
Source : site internet de Fairme

Comment avez-vous financé un tel projet ?

Nous avons d’abord été capitalisés à hauteur d’1 million d’euros, puis nous avons reçu une aide Deep Tech de 2,7 millions d’euros. Nous avons également été lauréats du concours i-Nov, un dispositif de soutien financé par le plan France 2030 qui a pour vocation de sélectionner des projets d’innovation au potentiel particulièrement fort pour l’économie française, porté par la BPI, l’ADEME et le Ministère de l’Économie. Enfin, nous avons prévu une levée de fonds de 15 à 20 millions d’euros d’ici la fin de l’année. Il faut savoir que nous avons investi 6 millions d’euros en R&D pour notre première machine, mais les suivantes demanderont un montant d’investissement plus faible).

Comment décririez-vous l’impact positif de Fairme ?

Fairme a 3 impacts majeurs.

D’une part, nous permettons le doublement de la rémunération des éleveurs grâce au renversement du modèle économique traditionnel. En fait, il n’existe aucune relation financière entre les éleveurs et l’atelier de transformation Fairme : nous achetons le lait aux éleveurs à un prix deux fois plus élevé que leur prix de vente traditionnel (80ct / litre), nous opérons nous-même la machine sur place et nous nous rémunérons sur les produits finis.

D’autre part, nous avons un impact environnemental significatif. En effet, en contrepartie de la hausse de la rémunération des éleveurs relativement au modèle traditionnel, nous les contraignons à respecter un cahier des charges rigoureux qui s’applique tout au long de la vie des bêtes, de leur naissance jusqu’à leur abattage. À titre d’exemple, nos éleveurs ne travaillent qu’avec des races locales et sur des systèmes herbagers (pâturage), nous limitons l’élevage de la race Prim’Holstein (une race de vache créée pour être très productive), etc.

Enfin, Fairme permet la redynamisation des espaces ruraux grâce à deux leviers d’action : le développement de la vente directe de produits avec la création de magasins au cœur des fermes et la priorisation de collaboration avec des jeunes agriculteurs, que nous accompagnons dans la reprise d’exploitation et dans leur installation.

En bref, Fairme permet la consommation fermière de manière simple, pour tous.

Fromage Fairme
Source : site internet de Fairme

Avez-vous été confronté à une certaine réticence de la part des éleveurs ?

La dimension technologique peut parfois être difficile à accepter. De plus, pour certains d’entre eux, il peut être compliqué de respecter le cahier des charges que nous imposons : ils sont pris dans une spirale d’investissements à rentabiliser et sont contraints de produire des gros volumes et donc de sélectionner des races productives que nous interdisons. 

Mais globalement, nous avons de très bons retours de la part des éleveurs, qui apprécient Fairme pour plusieurs raisons : les techniques de travail qui les respectent davantage que l’industrie traditionnelle, la rémunération plus conséquente, l’absence d’un besoin d’investissement au lancement du projet. D’ailleurs, les éleveurs apprécient largement d’être considérés comme nos partenaires plutôt que comme nos clients.

Je suppose que la perte de contact humain est une conséquence d’utilisation de votre technologie : est-ce un point bloquant pour les éleveurs comme pour les clients ?

Même si notre gamme de produits est assez réduite, le conseil de vente peut effectivement manquer aux consommateurs ; nous avons donc prévu d’intégrer cette partie de conseil à notre application.

Nous pouvons également anticiper d’éventuelles réticences quant au fait que les produits sont issus du travail d’une machine et non des éleveurs. Nous devrons expliquer aux éleveurs et aux consommateurs que l’utilisation de la technologie permet d’atteindre un très bon niveau de qualité des produits.

Local Fairme

L’avis de FoodBiome 

En implantant la transformation laitière automatisée directement à la ferme, Fairme rend plus accessible la consommation de produits laitiers locaux, respectueuse de l’environnement et des éleveurs, qui sont mieux rémunérés et peuvent désormais se concentrer sur leur cœur de métier. La mission de Fairme suit les mêmes ambitions que celles des projets FoodBiome, celles de restructurer les circuits courts alimentaires et de restaurer le lien alimentation-territoire, en l’occurrence en redynamisant les espaces ruraux.
La mission de Fairme suit les mêmes ambitions que celles des projets FoodBiome, celles de restructurer les circuits courts alimentaires et de restaurer le lien alimentation-territoire. Le projet de Fairme semble également partager une de nos convictions fortes : la transformation alimentaire de proximité est le maillon clé d’une reconnexion entre le monde agricole et leur bassin de consommation et d’une redynamisation des espaces ruraux. Or, ce maillon doit s’envisager à différentes échelles, qui sont toutes utiles et complémentaires : à la ferme, mais aussi locale ou régionale. Enfin, l’efficacité de ce projet de relocalisation dépendra largement du challenge de l’acceptation culturelle du projet, que ce soit du côté des éleveurs ou des consommateurs.  

Pour en savoir plus sur Fairme, n’hésitez pas à vous rendre sur leur site internet.

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