La Ferme Lab de Carbouey : un tiers-lieu dédié à l’agroécologie

Entretien avec Marina Galman, directrice de l’Association Agroécologique de Carbouey et Xavier Planty, Président et membre fondateur de l’association

Logo de l’Association Agroécologique de Carbouey
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Bonjour Marina et Xavier, pouvez-vous nous présenter La Ferme Lab de Carbouey et nous parler de la genèse du projet ?

Xavier : Bonjour, La Ferme Lab, c’est un tiers-lieu et un pôle d’excellence dédié à l’agroécologie. Le projet est né de deux constats. Le premier, c’est qu’après avoir participé pendant 10 ans au conseil d’administration de l’interprofession viticole de Bordeaux, nous avons pris conscience avec un autre membre fondateur que les savoirs agroécologiques qui existent n’étaient pas nécessairement pris en considération à hauteur des enjeux. Bien que central, le sujet n’était jamais mis sur la table pour étudier concrètement les évolutions nécessaires de nos pratiques agricoles (en lien avec l’eau, les sols et les terroirs). 

Ensuite, nous nous sommes rendus compte qu’il y avait un vrai problème autour de l’installation de jeunes agriculteurs en agroécologie. En moyenne, ces derniers doivent investir des montants importants (foncier, matériel, formation…) sans pour autant savoir s’ils pourront tenir et vivre de cette nouvelle activité. Il y avait nécessité de les aider en leur permettant de s’essayer sur un terrain avant de se lancer seuls. Il nous a donc semblé très pertinent de créer un écosystème de formation théorique et pratique autour de l’agroécologie pour les accompagner au démarrage de leur activité.

C’est ainsi que notre association est née fin 2020. Elle s’est structurée dans un premier temps autour de 16 membres issus d’horizons variés (viticulteur, agriculteur, maraîcher, avocat, expert comptable, paysan boulanger…), tous convaincus de la nécessité de se mettre en mouvement en faveur de la promotion et de la diffusion des savoirs agroécologiques.

 

Où vous êtes-vous implantés et comment s’organise le site de la Ferme Lab de Carbouey ?

Xavier : J’exploitais les prairies à proximité d’un ancien séchoir à tabac, quand l’opportunité s’est présentée de le racheter ainsi que les bâtiments attenants. C’est donc dans ce beau bâti de 1 500 mètres carrés et les 7 hectares de prairies adjacentes que nous avons ancré La Ferme Lab de Carbouey.

Marina : Pour ce qui est de l’organisation du site, les espaces sont encore en cours d’aménagement mais ils ont été attribués. Aujourd’hui, un espace est dédié à l’accueil des formations. Demain, le bâtiment permettra d’accueillir 4 autres types d’activités : 

  • Des espaces de coworking autour des thèmes de l’agroécologie,
  • Des espaces d’hébergement : pour les agriculteurs en stage, les intervenants ou encore le grand public dans le cadre de tourisme vert en période creuse
  • Un restaurant type guinguette pour se retrouver dans un cadre festif et chaleureux
  • Un laboratoire de transformation dans l’ancien séchoir à tabac

Les prairies sont quant à elles destinées à accueillir 6 espaces-test agricoles de 4 000m² chacun entièrement bordés de haies forestières et fruitières.

Vue de la Ferme Lab de Carbouey datant de 2021
Vue de la Ferme Lab de Carbouey datant de 2021

Comment s’est constitué le projet du laboratoire de transformation et comment fonctionne-t-il ?

Xavier : C’est Marina, qui nous a rejoint dès le début de l’année 2021, qui a contribué à faire émerger ce tout premier projet concret pour la Ferme Lab. L’idée des 11 associés (dont 9 maraîchers bio et une cuisinière) de la SARL de l’ESS LA NOMALI, situés dans un rayon de 15 kilomètres autour de la ferme, était de créer un outil, certifié en agriculture biologique, pour permettre à tous les agriculteurs de transformer plus facilement leurs surplus de fruits et légumes et de commercialiser des produits transformés. Cette infrastructure s’adresse aussi au grand public, soit par le biais de stages autour de la cuisine et de l’alimentation, soit pour transformer leurs propres produits. Ce qui est génial c’est que certains particuliers viennent parfois avec 40 ou 50 kilos de pommes à sauver ! Cela permet d’avoir une action concrète pour la valorisation de ces produits et la limitation du gaspillage. L’outil a démarré son activité tout récemment et nous avons réalisé les premiers jus de pomme et de raisin le mois dernier. Environ 4 tonnes de ces fruits ont été pressés, filtrés, pasteurisés et mis en bouteille à chaud. Nous transformerons bientôt des tomates pour en faire du ketchup.

Marie Brunel, maraîchère et membre de l’ESS LA NOMALI, et Marina Galman, directrice de l’association de la ferme de Carbouey
Marie Brunel, maraîchère et membre de l’ESS LA NOMALI, et Marina Galman, directrice de l’association de la ferme de Carbouey © Crédit photo : V. T.

Marina : Pour ce qui est du fonctionnement, pour le moment, nous avons privilégié la prestation de service à l’autogestion de l’outil par les agriculteurs directement. En effet, l’utilisation des équipements nécessite des compétences spécifiques et un respect de règles sanitaires strictes.

L’ancien séchoir à tabac converti en laboratoire de transformation Source : Ferme Lab de Carbouey
L’ancien séchoir à tabac converti en laboratoire de transformation Source : Ferme Lab de Carbouey

La formation, la sensibilisation et la diffusion des savoirs sont au cœur du projet, pouvez-vous nous en dire plus sur les publics visés et les activités mises en place ?

Xavier : Oui, absolument, cela constitue un aspect fondamental de notre projet. Le but est de susciter des formations pour le développement de nouvelles pratiques agroécologiques. Nos programmes sont véritablement co-construits et naissent des besoins exprimés par les différents porteurs de projet. Nous avons par exemple déjà proposé des formations en lien avec l’Agroforesterie française.

Marina : Ces formations sont à destination à la fois des professionnels – et peuvent faire l’objet d’une prise en charge par les fonds de formations professionnelles –, mais aussi des particuliers.

Xavier : Nous souhaitons également étendre cette mission de transmission au-delà du site, nous avons ainsi lancé le premier Sommet Agroécologie Bordeaux qui se tiendra le 16 novembre prochain et mobilisera à la fois des scientifiques et des praticiens de terrain. Il traitera de la question de l’agroécologie comme une solution pour une gestion pérenne de l’eau, et regroupera notamment les interventions d’experts reconnus de ces sujets comme par exemple celles du biologiste Marc-André Selosse, spécialiste de la microbiologie du sol et de Lionel Ranjard, directeur de recherche en écologie du sol au laboratoire d’Agroécologie de l’INRAE Dijon.

Source : Ferme Lab de Carbouey
Source : Ferme Lab de Carbouey

Quelle(s) valeur(s) fondamentale(s) anime(nt) le projet ?

Marina : Le projet est véritablement guidé par l’envie de partager les savoirs agroécologiques et de permettre à des jeunes qui souhaitent s’installer de se les approprier et de s’installer dignement. Dans tout ce que nous mettons en place, nous considérons bien évidemment l’intérêt environnemental, mais pour les agriculteurs, l’aspect économique est tout aussi indispensable et il est donc toujours pris en compte.

 

Il est très ambitieux de faire cohabiter de nombreux projets et acteurs différents au sein d’un même lieu. Comment abordez vous les sujets d’organisation et de gouvernance ?

Marina : Nous avons un bureau, un comité de pilotage et un conseil d’administration composé des membres fondateurs et de deux adhérents élus. Fin 2022, nous comptions 80 adhérents au total. 

Xavier : De manière générale nous essayons de réunir les acteurs pour qu’ils travaillent en collectif à la recherche de solutions, ainsi, nous n’avons pas d’idées préconçues ou d’itinéraire technique prédéfini pour les agriculteurs. Nous sommes les animateurs d’un lieu qui se veut catalyseur d’initiatives, l’apprentissage se fait donc tous ensemble au gré des propositions de chacun.

 

Quelles sont les prochaines étapes de développement pour les années à venir ?

Xavier : Nous constatons qu’une dynamique commence à se créer auprès des maraîchers locaux et nous avons le  sentiment qu’un mouvement se met petit à petit en place du côté du conventionnel. Nous souhaitons bien sûr poursuivre nos efforts dans cette direction. 

Plus concrètement, nous avons divers projets en cours tels que la création d’un séchoir solaire pour réaliser des tisanes et sécher des fruits ou encore le développement d’une offre de formation autour de l’autonomie en azote des fermes. Nous sommes aussi en recherche active d’un porteur de projet pour le restaurant. 

Du point de vue de la gouvernance, nous étudions la possibilité de structurer des collèges en fonction des problématiques et des cultures, afin de monter en compétences.

 

L’avis de FoodBiome

Modifier nos pratiques agricoles ne peut se faire sans les outils de formation et d’intelligence collective qui permettent la transmission des savoirs. La Ferme Lab de Carbouey s’attèle à cette mission de manière cohérente et complète en favorisant l’expérimentation – via les espaces-test et la conserverie – et la formation dans un même lieu.

Ce travail pour l’émergence d’écosystèmes entrepreneuriaux est similaire à celui mené par FoodBiome, qui a à cœur de regrouper des acteurs issus d’horizons différents afin de faire naître des collaborations pour restaurer le lien alimentation/ territoire.

Enfin, en s’engageant pour la promotion de pratiques agroécologiques, La Ferme Lab œuvre pour la résilience de notre système alimentaire via l’attention particulière portée à la protection des sols.

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