Le Drive tout nu : le supermarché 0 déchet et 100% responsable

Marie Alsina est la responsable marketing et communication du Drive tout nu.

Bonjour Marie, peux-tu nous expliquer le concept du Drive tout nu ?

Le Drive tout nu est le premier supermarché drive, 0 déchet et 100% responsable en France. Tout est parti du constat de nos deux fondateurs, Pierre et Salomé : chaque français produit 590 kg de déchets par an (1), dont la moitié sont des déchets d’emballages, et le recyclage de ces déchets coûte au contribuable chaque année près de 7 milliards d’euros (2). Comment se faisait-il qu’aucune solution n’y était apportée ?

Pierre et Salomés se sont alors attaqués à ce problème à leur échelle, en alliant leurs visions et leur profil. Pierre est ingénieur agronome de formation et petit-fils d’ouvriers agricoles, où le réemploi est la norme, et Salomé a des convictions environnementales très fortes, mais elle a conscience que le changement d’habitudes, s’il n’est pas simplifié, peut devenir une corvée. C’est ainsi qu’ils ont créé Le Drive tout nu en 2017.

logo Drive tout nu
Logo du Drive tou nu (Source : site internet du Drive tout nu)

Leur défi était de rendre la consommation en vrac accessible au plus grand nombre. Pour cela, ils ont opté pour un système simple,  efficace et reconnu : le drive. Pour rappel, le drive est un concept où on commande ses produits en ligne et où on vient les récupérer sur place, dans des colis déjà préparés. Le Drive tout nu s’adresse donc surtout à des consommateurs périurbains, qui n’avaient pas d’offres d’épiceries vrac de type épiceries de centre-ville à proximité, mais aussi à des consommateurs qui veulent faire de grosses courses. Tous les biens du quotidien y sont disponibles : produits frais, produits secs, produits d’hygiène, etc. Dès sa création, l’accent a été mis sur la praticité au Drive tout nu.

Leur premier magasin s’est ouvert à Toulouse, puis en sont venus deux autres toujours à Toulouse, avant de s’ouvrir à de nouveaux territoires à Lille et Bordeaux.

 

Un point m’intrigue dans ce que tu dis : pourquoi “Le Drive tout nu” s’appelle-t-il ainsi ?

C’est très simple : ce sont nos produits qui sont tout nus ! Nous ne mettons pas d’étiquette sur les pots consignés en verre : il est donc possible de voir ce qu’il y a à l’intérieur des emballages ! Cela permet de faciliter le lavage et le réemploi des contenants. Seule une étiquette est apposée sur le couvercle des pots, avec la DLC, et une brève description du produit. En plus de la transparence du contenant, cela fait aussi référence bien sûr à la transparence quant à la provenance et l’origine de nos produits.

bocal de chocolat
Chocolat aliquoté et emballé (Source : site internet du Drive tout nu)

Comment Le Drive tout nu arrive-t-il à atteindre ses objectifs de 0 déchet et être 100% responsable ?

Nous portons une attention à chaque étape du cycle de vie de nos produits.

Tout commence par un approvisionnement durable et local. Le but de notre démarche est de proposer à nos clients des produits extra frais, avec le moins d’intermédiaires possible, et qui font fonctionner l’économie locale. Nous sélectionnons nos produits selon notre propre charte qualité selon des critères exigeants (inspirés des cahiers des charges des labels bio notamment). Parmi ceux-ci, 1) nous ne travaillons qu’avec des producteurs qui acceptent d’entrer dans une dynamique zéro déchet 2) nous nous engageons à offrir au moins 60% de produits cultivés ou transformés dans un rayon de moins de 100km (il est souvent difficile de trouver 100% de produits locaux abordables pour tous les porte-monnaies, nous avons donc fait le choix de ne pas proposer 100% de produits locaux) 3) Les produits sont sélectionnés pour leur qualité (labels AB, et pratiques vertueuses pour les sols et l’environnement). 

Ensuite, la gestion des produits en magasin est optimisée : on limite autant que faire se peut les pertes. Nous proposons par exemple des promotions pour les produits en fin de vie, et nous communiquons beaucoup autour de la Date de Durabilité Minimale : si vous ne connaissez pas la différence entre la DDM (Date de Duramilité Minimale) et la DLC (Date Limite de Consommation), on vous invite à  vous renseigner ici. Nous optimisons aussi les circuits logistiques entre les producteurs, le centre de lavage (un par ville) et les magasins : nous avons mis en place un système de reverse logistique sur les bocaux vides.

Et bien sûr, nous avons fait le choix de ne proposer aucun emballage jetable à nos clients.

panier drive tout nu
Exemple de panier issu du Drive tout nu (Source : Marie Alsina)

Comment fonctionne le système de consigne pour les consommateurs, est il payant ?

C’est tout le contraire ! On pratique un système de consigne inversée, où la charge financière de la consigne est pour le Drive tout nu. Il serait en effet aberrant de facturer 10 centimes par contenants, car pour un plein, cela reviendrait vite très cher au consommateur ! On ne facture donc pas le contenant à l’achat, au contraire on incite les consommateurs à nous rapporter les contenants, en offrant 10 centimes en bon d’achat par contenant.

Nous avons un bon taux de retour, de l’ordre de 80%. Il est difficile d’atteindre 100%, car il y a toujours un peu de casse ou d’oubli, et certains clients utilisent les contenants pour faire des confitures par exemple. Pourtant, ce n’est pas un problème pour la régénération du pool de contenants que nous avons, car nous acceptons des emballages d’autres marques (de type Bonne maman par exemple). Ainsi, on arrive à racheter très peu de bocaux.

Le gros avantage de la consigne de verre, c’est son impact environnemental : les bocaux peuvent être réutilisés à l’infini et ils restent inertes avec le temps (il n’y pas de traces de polluants, ni de transfert de goût et de matière, à l’inverse des  emballages plastiques). En plus, la consigne est bien moins énergivore que le recyclage du verre : on estime que la consommation d’énergie pour la consigne de verre est divisée par quatre par rapport à son recyclage (3). 

Bien sûr, nous sommes très regardants sur les étapes de lavage des contenants : notre protocole est strict, et il comprend une étape de stérilisation, deux lavages, et un contrôle à l’œil et au néon pour identifier d’éventuels résidus.

bocaux réutilisables
Lavage des contenants en verre (Source : site internet du Drive tout nu)

Comment s’articule l’organisation d’un hub de lavage et d’un point de vente ? 

Les hubs sont chargés de laver les contenants retournés, d’aliquoter les quantités disposées dans les contenants tout juste lavés, avant d’envoyer les produits ainsi mis en contenants vers les centres de distribution. Un centre de lavage demande de gros investissements, et nous ne pouvons pas hélas en disposer sur chacun de nos points de vente. C’est pourquoi nous mutualisons un centre de lavage par métropole.

Quant aux points de vente, ils comportent des espaces de stockage, où 1-2 préparateurs de commande opèrent. Il y a aussi une zone d’accueil pour les clients, où la réception des commandes préparées se fait, et où les clients peuvent aussi acheter des compléments de commande pour des achats de dernière minute, un oubli lors de la commande, ou bien même profiter des petits prix sur nos antigaspi (salade, tomates, etc).

accueil des clients
Zone d'accueil des clients (Source : Marie Alsina)

Quels sont les projets à venir au Drive tout nu ? 

Nous voulons ouvrir de nouveaux Drives sur Toulouse, Lille et Bordeaux, pour renforcer notre présence sur ces trois territoires. Mais ce n’est pas tout ! Un magasin physique devrait voir le jour l’année prochaine à Toulouse, où les produits seraient disposés dans des rayons ouverts à nos clients. C’est un vrai défi : la gestion des ressources humaines et des stocks est très différente. Pour te donner un ordre de grandeur, ouvrir un drive demande un délai d’environ 1 ou 2 mois, quand un magasin en physique demande plutôt 10 mois. De plus, il faut une superficie beaucoup plus grande pour rendre possible les passages des clients à l’intérieur du magasin.

 

L’avis de FoodBiome

Quand on s’attaque à l’écoconception des emballages alimentaires, on tombe souvent sur une pierre d’achoppement : comment minimiser les impacts environnementaux de l’emballage sans abaisser la date limite de consommation ? En effet, les emballages traditionnels sont des plastiques, qui ont de bonnes propriétés de conservation (propriété barrière à O2, à la vapeur d’eau). Ainsi, en proposant des emballages plus respectueux de l’environnement (en kraft, en carton etc…), on prend souvent le risque de diminuer les propriétés de conservation des aliments, ce qui augmente le risque de générer des déchets alimentaires, et par le même coup les impacts environnementaux de l’alimentation.

Le Drive tout nu arrive à combiner les deux approches par une innovation organisationnelle : la réhabilitation de la consigne. Tout d’abord, cela est possible grâce à l’utilisation du verre, un matériau inerte qui ne présente pas de risques sanitaires ou de diminution de la DLC s’il est bien lavé. Ensuite, réutiliser les contenants permet de diminuer leurs impacts au global : réutiliser les emballages est l’une des meilleures options pour limiter les impacts environnementaux, devant le recyclage, selon la Waste Framework directive de l’UE. Cela est confirmé par plusieurs publications scientifiques (1) (2), attention néanmoins à ce que le système de consigne soit correctement éco-conçu (optimisation des tournées, proximité avec le centre de triage, mise en place d’un système de logistique inverse) (3) !

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