Cherico : revitaliser le marché de la chicorée

Entretien avec Guillaume Roy, co-fondateur de Cherico

Source : LSA Conso

Salut Guillaume, est-ce que tu peux te présenter rapidement ?

 

Oui carrément ! Alors je suis Guillaume Roy, et j’ai cofondé Cherico il y a quelques mois. Avant cela j’avais cofondé Gallia, une brasserie qui produit des bières artisanales à Pantin, à côté de Paris. Pour ce projet, on s’était inspirés d’une marque emblématique parisienne, la Brasserie Nouvelle Gallia. C’était une aventure incroyable que j’ai menée pendant un peu moins de 15 ans avec mes associés. Petit à petit et pour continuer le développement, Heineken est entré au capital pour en faire une microbrasserie leader nationale. La transition s’est pour l’instant très bien passée et on est heureux qu’ils respectent l’ADN de Gallia. A la suite de cette transition, j’avais envie d’une nouvelle aventure entrepreneuriale, de retrouver cette vitesse d’exécution, ces frissons du début … C’est pour ça que, avec mon associé, on a commencé à chercher un nouveau sujet qui nous passionnait.

Justement, comment vous vous êtes retrouvés à travailler sur la Chicorée ?

 

A l’origine, on était tous les deux très intéressés par le monde du café en général, j’avais moi-même monté un café en Normandie avant de commencer Gallia, donc on a naturellement commencé à creuser ce sujet.

En approfondissant un peu, on s’est rendu compte qu’il y avait beaucoup d’enjeux autour du café.

Déjà, il y a une consommation toujours plus importante de la part des occidentaux et surtout une énorme croissance de la demande des marchés chinois et indiens, c’est incontestablement la deuxième boisson la plus consommée au monde, après l’eau. Cette forte demande crée une pression considérable sur la matière première, encore accentuée par le dérèglement climatique qui diminue le rendement des caféiers. Le café est donc amené à devenir un produit de plus en plus rare, donc cher et luxueux.

D’autre part, si on regarde un peu froidement la culture de café, on se rend vite compte qu’il n’est pas très vertueux de la systématiser : c’est une culture qui demande beaucoup d’eau et d’intrants (en tout cas telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui pour répondre à une consommation de masse) et, comme elle n’est possible que dans des conditions très précises, elle implique beaucoup de coûts de transport.

Au-delà de ces enjeux sur le marché du café en tant que tel, on a aussi découvert des enjeux de santé pour les consommateurs : on a tendance, notamment dans le monde professionnel et dans la restauration, à systématiser le café et on sait qu’une consommation excessive (plus de trois tasses par jour selon L’Agence européenne pour la sécurité des aliments (EFSA) est dangereuse sur le long terme.                                     

Face à tout cela, on est en venus au constat que c’était intéressant de chercher une alternative. On a envie de garder le café qui est une super boisson, mais on se dit qu’à l’avenir, il faudrait sans doute en consommer moins, et mieux. Ça suppose de se réapproprier d’autres boissons et de créer d’autres moments à côté des moments cafés. C’est là qu’on est tombés sur la chicorée.

Source : Culture Nutrition
Source : Culture Nutrition

Tu peux nous en dire plus sur cette plante ?

 

Oui bien sûr ! Alors la Chicorée c’est une plante de la famille des endives (les fameuses chicons) qui est surtout cultivée dans le Nord de la France. On peut transformer ses racines en cossettes que l’on torréfie ensuite. En infusant la poudre obtenue, on obtient une boisson qui a un goût proche du café au lait ou du caramel.

C’est pour cela que la chicorée a longtemps été utilisée comme ersatz de café, notamment pendant les périodes de disette. Avec la généralisation du café, son utilisation a peu à peu diminué. 

Quand on est tombés dessus avec mon associé on s’est rendu compte que c’était non seulement hyper bon gustativement mais aussi que c’était super pour la santé – la chicorée contient notamment beaucoup de fibres – et que, pour des consommateurs français, c’était bien plus écologique que du café (10g CO2 par tasse vs 50g).

Au vu de tous ces bienfaits, on s’est dit qu’il y avait quelque chose à faire et que ce serait intéressant de la remettre au goût du jour : Cherico était né ! Notre vision c’est que c’est bien plus qu’un ersatz de café et on a pas envie d’opposer les deux : le café c’est une boisson formidable, et on a envie de faire découvrir au plus grand nombre le plaisir de la chicorée.

Fleur de Chicorée (source : Wikipedia)
Fleur de Chicorée (source : Wikipedia)

Quels sont les grands défis à relever ?

 

A partir de ce constat, on s’est mis au travail avec ce qu’on avait appris à faire grâce à Gallia. 

D’abord, on doit essayer grâce au pouvoir de la marque de rendre sexy un truc qui ne l’est pas. Avec un marketing dynamique et jeune, on essaie de sortir la chicorée de son image de produit du Nord un peu moyenne gamme. On sous-estime le pouvoir de l’inconscient collectif dans ce genre de cas : pour la majeure partie des gens, la chicorée c’est le Nord, c’est Dany Boon qui trempe sa tartine de maroilles dans Bienvenue chez les Chtis ou Jeff Tuche qui appelle sa femme ‘ma chicorée’. Ça a l’air anecdotique mais ça ne l’est pas du tout, et tous les producteurs de chicorée que l’on a vu nous le confirment, donc notre premier défi c’est de rendre la chicorée un peu plus désirable.

Dans la même veine, il s’agit de créer de nouveaux usages, de nouvelles habitudes de consommation. L’idée c’est de dépasser le bol de Ricoré (ndlr : une marque Nestlé) du petit-déjeuner et de faire rentrer la chicorée à d’autres moments de la journée avec la chicorée de la pause déjeuner, le latte chicorée, les cocktails à la chicorée …

Cela suppose aussi de capter de nouveaux clients, soit en prenant des parts de marché existantes (Ricoré, c’est 70% des 150 millions de consommateurs dans le monde) , soit en en prenant d’autres, notamment en faisant sortir la chicorée de la GMS, en allant chercher des clients dans la restauration collective, dans les bureaux…

Enfin, il y a un certain nombre de défis sur la production à proprement parler. On pensait très naïvement que c’était simple, mais il y a beaucoup de barrières à l’entrée pour avoir une usine, pour accéder à la matière première, et tout le processus requiert un vrai savoir-faire. Pour l’instant, on teste le marché avec une version bêta que l’on a élaborée en collaboration avec des industriels (Leroux, Chicorée du Nord) qui nous permettent de gagner en expertise et d’itérer rapidement. Ce mode de fonctionnement nous a permis de tester en peu de temps plusieurs produits avec différents blends, différentes torréfactions …

Quels sont les retours pour l’instant ?

 

Et bien tout laisse à penser que ça va fonctionner ! On a lancé une campagne Ulule de financement participatif, entre novembre et décembre, et on a largement dépassé nos objectifs (1700 préventes sur un objectif de 100), il y avait une vraie attente des consommateurs ! C’est d’autant plus positif qu’il y a eu des ré-achats.

Par ailleurs, on a commencé la commercialisation en B2B et on a gagné un concours avec Monoprix qui nous a permis de faire un test de référencement, on a aussi commercialisé dans une dizaine de coffee shop qui ont tous adopté le produit.

Donc rien n’est fait mais il y a beaucoup de signaux positifs !

Qu’est ce qu’on peut souhaiter à Cherico pour la suite ?

 

On vise un certain nombre d’objectifs pour l’avenir. D’abord on aimerait concrétiser notre référencement chez Monoprix. Ensuite continuer à innover pour développer la gamme et proposer de nouveaux produits, parallèlement développer le nombre et la qualité de nos partenariats commerciaux. Si tout se passe bien, on aimerait dans un horizon plus lointain pouvoir construire notre propre usine et pourquoi pas vendre au-delà des limites de la France (Belgique, Hollande, Scandinavie, Angleterre…).

L’avis de FoodBiome : 

 

Même si en interne l’intérêt gustatif de la chicorée divise, tout le monde s’accorde à trouver que c’est un super projet ! 

Valorisation du patrimoine culturel et agricole régional, dé-standardisation de la “pause boisson chaude” chez soi, au bureau ou dans les commerces, le tout mené par une équipe jeune et avec une communication au poil, la proposition de valeur a de quoi plaire ! 

Tout ce qu’on peut souhaiter, c’est que Cherico connaisse le même succès que Gallia !

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