La Coop Bio Ile-de-France : consommer bio et local au prix juste pour tous

Entretien avec Nicolas Hallier, Directeur Général de la Coop Bio d’Ile-de-France

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Bonjour Nicolas, peux-tu nous présenter la Coop Bio Ile-de-France et nous raconter son histoire ? 

Oui, avec plaisir. La Coop Bio d’Île-de-France est une coopérative agricole dont l’ambition est de structurer l’offre en produits bio et locaux à travers une gamme aussi large et diversifiée que les productions bio d’île-de-France. Elle a été lancée en 2014 par dix producteurs de légumes suite aux sollicitations d’acteurs de la région souhaitant développer des approvisionnements durables et locaux à destination des crèches et plus généralement de la restauration scolaire de la Ville de Paris. Face à cette demande, les agriculteurs ont constaté la nécessité de se structurer afin de pouvoir répondre aux attentes des collectivités en termes de gammes de produits, de logistique amont et aval et afin aussi de structurer les aspects commerciaux de réponse à des appels d’offres publics.

Le statut qui a été choisi au moment de la création du projet était alors encore peu connu, il s’agit de la Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC). Ce format est très intéressant car il impose de conserver autour de la table l’ensemble des acteurs de la filière et d’éviter ainsi qu’un acteur concentre et impose le pouvoir de décision.

Concrètement, notre SCIC est structurée en six collèges qui regroupent 150 sociétaires, eux-mêmes représentés par 12 administrateurs. Les agriculteurs conservent la plus grande partie des voix ( 49%), les transformateurs, salariés, collectivités territoriales, clients et partenaires institutionnels se partagent équitablement les 61% restants. 

Ces rencontres annuelles permettent la mise en commun des contraintes et des besoins de chacun et sont l’occasion de faire émerger des discussions très pertinentes à propos de la structuration de la filière.

 

Quelle(s) valeur(s) fondamentale(s) anime(nt) votre projet ?

La mission principale de la Coop Bio est de développer une agriculture nourricière diversifiée et durable sur le territoire. Notre vocation est de structurer en circuits courts la production, la transformation, la distribution et la consommation des produits bio pour garder la main sur la commercialisation des produits et donc sur la répartition de la valeur d’un bout à l’autre de la chaîne alimentaire.

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Producteur du Village Potager à St Pierre les Nemours, adhérent de la Coop Bio (source : page Facebook Coop Bio IdF)

À ce propos, comment sont fixés les prix pratiqués par la Coop Bio ?

Les prix sont établis en étroite concertation avec les 90 agriculteurs de la coopérative. Nous menons avec eux un travail important de planification permis par les marchés publics qui assurent une visibilité de la demande à moyen terme. Ainsi, nous nous regroupons avec les agriculteurs une fois par an pour chaque catégorie de produits, trois à six mois avant la date des semis. L’objectif de ces rencontres est double : répartir la production et fixer les prix. 

 

Quelles sont les différentes activités concrètes de la Coop bio et comment évoluent-elles ?

La Coop assure à la fois des activités commerciales au travers des réponses aux AO et de l’animation d’une mercuriale, et à la fois des missions logistique en coordonnant le ramassage des productions, la préparation des commandes sur notre plateforme logistique à Rungis et leur livraison par notre prestataire. Nous veillons à livrer des produits les plus frais possibles, ainsi, ils sont récoltés à la demande, le ramassage auprès des producteurs a lieu 1 à 2 fois par semaine, les commandes sont préparées la nuit et la livraison aux clients est faite le lendemain. Nous envisageons d’ailleurs de changer prochainement de plateforme logistique afin d’obtenir un espace plus grand nous permettant d’accroître la qualité de notre service et d’offrir des délais toujours plus courts.

Par ailleurs, depuis 2020 nos activités se sont élargies pour pouvoir proposer des produits transformés. Nous avons une légumerie qui permet aujourd’hui de la transformation 1ère, 4ème et un peu de 5ème gamme et qui a vocation demain à être équipée des outils nécessaires pour la fabrication de soupes, purées et compotes en 2024. Ces outils nous permettent à la fois de répondre aux demandes des marchés, mais aussi d’assurer une valorisation complète de denrées alimentaires en limitant leur gaspillage.

Exemples de produits élaborés dans la légumerie de la Coop Bio à Combs-la-Ville.
Exemples de produits élaborés dans la légumerie de la Coop Bio à Combs-la-Ville (source : Site Coop Bio IDF)

Qui sont vos principaux clients et comment leur répartition évolue-t-elle dans le temps ? 

À l’origine notre activité était uniquement orientée vers la restauration collective et plus particulièrement sur le scolaire, puis l’essor du marché du bio nous a permis de nous développer sur des magasins spécialisés type Biocoop (40% CA). Cependant, les fortes chutes de consommation du bio en GMS et les attendus de la loi Egalim tendent à inverser à nouveau cette tendance en faveur de la restauration hors domicile (60% CA). 

 

Qu’en est-il de la restauration d’entreprise et médico-sociale ?

Pour ce qui est de la restauration d’entreprise, il s’agit d’un segment particulièrement irrégulier et la consommation n’a jamais retrouvé son niveau d’avant Covid. En médico-social nous commençons à avoir des sollicitations de l’APHP (Assistance Publique – Hôpitaux de Paris), cependant, les types de produits, les textures et les conditionnements attendus sont très spécifiques et les budgets particulièrement serrés. Je sais par exemple que là où on peut estimer à 7% la part du bio en restauration scolaire, dans le médico-social c’est plutôt autour de 1%.

 

Comment référencez-vous les différents producteurs du réseau et quel est le cahier des charges appliqué ?

Jusqu’en 2022, uniquement le cahier des charges du Bio était appliqué, en plus d’exigences internes de proximité géographique et d’une offre différenciante d’un grossiste classique. Depuis, nous avons officialisé ces exigences internes via le label “Bio Équitable en France” qui nous permet de valoriser et de mettre en avant les pratiques de nos producteurs et de la Coop Bio en matière d’achats équitables et de contractualisation sécurisante pluriannuelle avec des prix rémunérateurs pour nos agriculteurs.

Exploitations franciliennes engagées en AB sociétaires de la Coopérative Bio Île-de-France.
Exploitations franciliennes engagées en AB sociétaires de la Coopérative Bio Île-de-France (source : Site Coop Bio IDF)

Quel est le niveau de co-construction de vos gammes avec les producteurs et quelle posture d’offre adoptez-vous auprès de vos clients ? 

La Coop Bio ne représente en moyenne que 20 à 30% des débouchés de nos agriculteurs, cela leur laisse donc une grande liberté dans le développement de leurs activités. C’est d’ailleurs là que réside le caractère vertueux de notre modèle : nous sécurisons, dans la durée, des débouchés pour une partie de la production des agriculteurs du réseau, ce qui leur permet en parallèle de réaliser des tests, et s’ils sont concluant, il arrive qu’ils soient ajoutés à nos gammes. 

Pour autant, auprès de nos clients la logique du flux tiré persiste (ie. la demande des clients détermine la production). Nous essayons quand même au maximum d’être force de proposition pour proposer de nouvelles gammes de produits pertinentes avec la géographie et les capacités et envies des agriculteurs de la Coop. Les collectivités ont un rôle important à jouer en ce sens via la construction des AO.

Il nous arrive de parvenir à faire émerger de nouvelles filières en embarquant des partenaires clés comme cela a été le cas sur la patate douce ou encore le blé dur bio IDF pour faire des pâtes et de la semoule de couscous : nous sommes parvenus à nouer un partenariat avec Sodexo, nos producteurs et des transformateurs. 

producteurs coop bio
Carine, Thierry, Christian, Denis, Ronaldo, producteurs de la Coop Bio (source : Coop Bio IdF)

Quelles tendances de consommation observez-vous ces dernières années dans un contexte d’inflation, de la crise du bio et des nouvelles attentes de la loi Egalim ?

En ce qui concerne le BtoC, c’est très fragile comme je l’évoquais plus tôt. 

Plus généralement, je dirai que la consommation de produits bio est en légère augmentation. Nous recevons de plus en plus de sollicitations mais celles-ci proviennent le plus souvent de collectivités qui étaient déjà en avance, sont très moteur et s’engagent au-delà des attendus de la loi (comme par exemple Fontenay-sous-Bois, Saint-Denis, la Ville de Paris, Sodexo ou encore Tables Communes). Les sollicitations sont les plus nombreuses sur les alternatives comme les légumineuses. Pour autant, ces évolutions ne sont pas suffisantes, il est vraiment nécessaire que les attendus d’Egalim soient appliqués et donc contrôlés afin d’éviter de voir s’enclencher une vague de déconversion.

 

Si vous aviez une baguette magique, qu’aimeriez-vous voir se mettre en place dès aujourd’hui en termes d’agriculture et d’alimentation ?

Que tout le monde passe au bio. Certes, ce label est perfectible (l’autorisation de certaines molécules d’origine naturelle mais qui peuvent toutefois avoir un impact nocif sur l’environnement ), pour autant il s’agit de l’un des seuls labels reconnus dont les critères sont lisibles, contrôlés et exigeants. A la différence de la certification HVE qui est peu contraignante et principalement déclarative, ce qui est problématique pour l’atteinte de nos objectifs en matière d’alimentation durable, le bio fixe des exigences claires.

L’agroécologie est aussi une démarche noble et vertueuse mais, n’ayant pas de définition précise, elle regroupe de nombreuses pratiques sans cohésion générale ce qui brouille sa compréhension et ne permet pas le respect de critères transparents et stricts.

 

L’avis de FoodBiome

La Coop Bio s’est donnée pour mission de structurer, à l’échelle d’un territoire, l’offre de produits alimentaires bio en mettant autour de la table l’ensemble des acteurs de la filière et en plaçant les agriculteurs au cœur des décisions. Cette priorisation de la coopération pour la mise en commun des enjeux et des solutions est une démarche que FoodBiome s’applique à employer autant que possible dans les projets qui sont accompagnés.

Par ailleurs, l’implantation d’une légumerie au cœur du territoire est très pertinente, pour redynamiser et stimuler la production de légumes français (filière très déficitaire) et afin de végétaliser davantage les assiettes en offrant des produits prêts à l’emploi adaptés aux besoins de la restauration collective. FoodBiome est convaincu que ces ateliers de transformation de proximité sont un maillon indispensable des chaînes alimentaires afin de reconnecter production-transformation-consommation à l’échelle d’un territoire (retrouvez ici nos convictions sur les légumeries de territoire). 

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