Saveurs Fermières : le magasin des producteurs Limousins

Entretien avec Ghislain Trigueros, directeur de Saveurs Fermières

Logo saveurs fermières

Saveurs Fermières est une coopérative agricole créée en 2003 par des agriculteurs limousins pour commercialiser eux-mêmes les produits de leur ferme grâce à deux points de vente collectifs.

Bonjour Ghislain, peux-tu nous présenter l’initiative Saveurs Fermières et la genèse du projet ?

Avec plaisir ! Saveurs Fermières a été créée après la crise de la vache folle de 2003, par une dizaine d’agriculteurs limousins qui ont souhaité se réappropier la commercialisation de leurs produits. 

Nous avons donc créé une coopérative agricole à Limoges à laquelle les agriculteurs peuvent participer de deux façons : soit en nous livrant simplement la marchandise, soit en adhérant à la coopérative, auquel cas non seulement ils apportent leur production, mais ils participent aussi à la vente en magasin.

En 2013, nous avons eu la joie d’ouvrir une deuxième boutique – toujours à Limoges – et aujourd’hui l’ensemble de notre activité génère 3,4 millions d’euros de chiffre d’affaires, et fédère une cinquantaine de producteurs-vendeurs  et à peu près le même nombre d’”apporteurs”.

Quels modèle économique et  de gouvernance avez-vous mis en place ?

Saveurs Fermières est une Société Coopérative Agricole, avec un Conseil d’Administration où chaque associé à une voix, indépendamment du montant de sa participation au capital. Nous avons également un bureau qui se réunit régulièrement constitué d’un collectif de paysans locaux. 

Pour ce qui est du modèle, les magasins se rémunèrent assez classiquement grâce à une commission sur les ventes. Comme nous ne faisons pas d’achat-revente ni de négoce dans la structure, c’est la seule marge qui est appliquée au produit qui sort de la ferme, ce qui permet de garder des prix raisonnables.

En ce qui concerne les effectifs de l’entreprise,comme je vous l’ai dit, ce sont les producteurs eux-mêmes qui font les permanences des deux magasins : ils alternent  à la caisse, la découpe de fromage, la mise en rayon, etc. Ils se rémunèrent de manière proportionnelle à leur implication dans la réussite de la coopérative, et donc au prorata du chiffre d’affaires des magasins. Nous avons aussi 15 salariés qui viennent compléter cet effectif.

Concernant le mode d’élevage/culture, comment votre cahier des charges l’oriente-t-il ?

Notre cahier des charges est axé sur la promotion de produits locaux, frais, et en direct des producteurs. Bien que nous n’imposions pas de label spécifique aux fermes familiales du coin, certaines contraintes sont mises en place, notamment une alimentation animale sans OGM et provenant à minima à 50% de la ferme. Nous effectuons également des contrôles internes, en organisant des tournées des fermes pour garantir la qualité des produits. Aussi, tant pour les petites que les grandes structures, nous encourageons la production bio, avec 35-40% de nos produits qui viennent de sources biologiques.

Notre sélection de producteurs repose sur leur adhésion à nos valeurs, leur engagement dans des projets communs, ainsi que leur participation à la vente en magasin. Cela favorise des échanges fructueux entre agriculteurs et consommateurs, garantissant des volumes fiables et une relation étroite avec notre communauté.

Quelques producteurs membre de la démarche (source : site internet Saveurs Fermières)

Quelles sont les valeurs que vous défendez ?

Nous défendons l’idée de magasins tenus par les producteurs, on veut à tout prix éviter l’achat-revente. Bien que les magasins de producteurs soient parfois limités par leur production, nous résistons à la tentation du négoce. La clé de notre réussite c’est que nos clients nous font confiance, parce qu’ils savent que nous ne trichons pas. 

On souhaite aussi être un vrai acteur de l’économie locale : avec notre modèle 100€ dépensés dans notre magasin, c’est 80€ reversés dans l’économie du territoire, contre 10 à 15€ en GMS. 

Quels sont vos parti-pris dans la commercialisation de vos produits ?

Concernant la commercialisation, nous avons fait le choix de ne pas imposer de marque. La marque Saveurs Fermières concerne uniquement quelques produits sous-vide (charcuterie, viande découpée), le reste des produits est vendu directement avec les emballages des fermes. Pour les prix, nous encourageons la comparaison avec des produits similaires, par exemple, la viande découpée est comparable à celle d’une boucherie. Nous sommes particulièrement compétitifs sur les fruits et légumes.

Pour renforcer nos liens locaux, nous avons établi des partenariats avec des associations locales, des mécénats (notamment le soutien à un festival de jazz à Limoges), et nous sommes actifs sur les réseaux sociaux. Cette approche nous permet de créer du lien local, favorisé par des partenariats et le bouche-à-oreille.

Qu’est ce qu’on peut vous souhaiter pour la suite ?

Pour renforcer notre modèle, on aimerait essayer de développer la partie traiteur parce qu’on constate une forte demande pour de l’évènementiel. On a aussi le souhait de pouvoir proposer nos produits au plus grand nombre, notamment aux personnes âgées ou à mobilité réduite, donc on se pose la question de se lancer dans la livraison à domicile ou dans le drive.

L’avis de FoodBiome

La massification de la distribution alimentaire est critiquable à bien des égards : standardisation et anonymisation de l’offre, convergence vers un système oligopolistique, amoindrissement voire rupture des liens entre l’amont et l’aval … Un des effets collatéraux du triomphe du modèle hypermarché / supermarché depuis les années 60, c’est aussi la perte de souveraineté progressive des agriculteurs dans la chaîne de valeur.

Face à ce modèle qui commence à s’essoufler, de nombreuses initiatives ont vu le jour (on ne saurait que trop vous recommander de jeter un oeil à nos articles sur Le Drive tout nu, Miyam ou encore La Louve …), celle de Saveurs Fermières est particulièrement intéressante en ce qu’elle donne la part belle aux producteurs, en étant exigeant sur les produits sourcés, en les impliquant dans la commercialisation etc. Plus encore, et c’est sans doute le plus remarquable, le modèle est robuste et éprouvé depuis maintenant une dizaine d’années,  ce qui laisse croire qu’il a toute sa place dans les modèles de distribution de demain.

Partagez notre article